Du surréalisme avec une touche d’absurdité. C’est ce qu’inspire la présence de la chanteuse Afida Turner et de l’humoriste Jean Marie Bigard aux côtés des autres candidats à l’élection présidentielle de 2022. Mais comment en est-on arrivés là ?
Sa crinière blonde au vent, le regard audacieux qui s’envole – Afida Turner pose pour la photo de lancement de sa campagne. Dans un tweet inaugurant sa candidature, elle dit vouloir “remédier à la crise des gilets jaunes et de surcroît, celle de la police violente”. Interrogée par Public sur ses projets pour la France, la candidate évoque entre autres une augmentation des salaires et des retraites. Des promesses ambitieuses, qui font écho aux actualités politiques du moment.
Et la star de téléréalité n’est pas la seule à vouloir emménager à l’Elysée. Humoriste et par ailleurs fervent soutien des gilets jaunes, Jean Marie Bigard se disait également intéressé par la question, suscitant la surprise générale… avant de finalement reculer, à défaut de “s’y connaître en politique”… puis de se représenter de nouveau.
Coup de buzz ou contestation du système ?
Si ces candidatures spontanées auraient pu être interprétées comme un simple effet de buzz, surtout dans le cas d’Afida Turner qui multiplie les extravagances à la télévision, elles reflètent une réalité plus profonde. L’exemple le plus célèbre reste celui de Coluche, qui en 1981 avait brigué un mandat, et les sondages lui donnaient plus de 16% d’intentions de vote.
Entre lassitude d’une politique devenue trop “professionnalisée”, et une déception générale de la part des élus, c’est l’exigence d’un renouveau qui transparaît. Mêmes visages, mêmes parcours, mêmes catégories sociales au sein des institutions : voilà la clé de voûte de cette contestation, qui peine encore à prendre forme. Pourtant, la tendance est en passe de s’inverser, et les chiffres parlent d’eux mêmes quant à l’implication croissante de la société civile dans la vie politique. A l’élection législative de 2017, 52% des candidats du parti LREM n’avaient jamais occupé de fonctions politiques.
Autre motif d’agacement : le “fossé” qui se creuse entre électeurs et élus. Bigard regrettait d’ailleurs au micro de BFMTV qu’”Emmanuel Macron est déconnecté du peuple”. Une déclaration qui fait écho à la crise de la démocratie représentative, si souvent relevée par les politologues, et à l’origine de certaines revendications des gilets jaunes. Il n’est ainsi pas anodin que ces derniers se retrouvent au coeur des discours de “campagne” des deux candidats-star. Dans la même perspective, une enquête du CEVIPOF révélait en 2019 que pour 70% des français, la démocratie “ne fonctionnait pas très bien”.
“On comprend ce que je dis”
Dans leurs interventions, les deux candidats-star adoptent un ton direct. Sans les éléments de langage traditionnellement appropriés par la classe politique, et contrastant avec un jargon inaccessible à une partie de l’électorat. Jean Marie Bigard illustrait d’ailleurs cette idée en déclarant : “Je suis un peu vulgaire, mais on comprend ce que je dis”.
Et les deux célébrités sont loin d’être les premières dans ce genre. On pensera par exemple à Francis Lalanne, qui prenait la tête de la liste des gilets jaunes aux élections européennes de 2019. Un phénomène qui dépasse l’Hexagone, puisqu’aux Etats Unis, la candidature impromptue de Kanye West à l’élection présidentielle avait, elle aussi, provoqué un tollé médiatique.
Manque d’expérience
Mais quelles sont vraiment leurs chances? Formellement, les deux candidats remplissent les critères d’éligibilité au poste. Encore leur faut-il rassembler les 500 signatures des maires de France nécessaires pour valider leur candidature. Sans oublier de former une équipe de campagne et rassembler des financements – tâches qui nécessitent un minimum d’expérience.
Enfin, ces novices oseront-ils défier la classe politique traditionnelle sans être classés dans le rang de “populistes”? Rien n’est moins sûr. La tentation de l’anti-système a toujours été forte, et les exemples de succès de ces candidatures improvisées ne manquent pas. Le président ukrainien actuel, Volodimir Zelensky, était comédien avant d’entamer une carrière politique… et être élu à la tête de l’Etat ukrainien.