Illustration de @lesfoliespassageres (Instagram)

Le confinement ne fait pas fi des apparences

« Imaginez comme ce serait chouette : on sort du confinement, et les rues sont peuplées de meufs qui se kiffent aussi sans rien [ndlr : sans maquillage] et de mecs qui se sont découverts des vocations de drag queen. »

Ça, c’est le monde que la géniale humoriste Marina Rollman a envie de retrouver à la fin de la quarantaine. Certes, on n’est pas dans “Imagine” de John Lennon. Nous aussi, on rêve d’un monde d’amour et de paix. En attendant, difficile d’imaginer all the people courant main dans la main dans un champ. Avec des masques et des gants, c’est moins glorieux.  

Alors à chaque combat ses petites victoires. Étape numéro 1 : voir les rues peuplées. Houra ! Étape numéro 2 : que ce confinement ait été source d’inspiration pour le futur. Des choses à changer dans nos sociétés, ce n’est pas ce qui manque. Mais on va réfléchir ensemble à une question, qui ne cesse de revenir depuis le premier jour : pourquoi cette obsession pour notre apparence physique en période de confinement ?

On connaît la chanson. Depuis des siècles, les injonctions à la beauté nous martèlent sans cesse le crâne à s’en scalper les os et le gras superflu. Ces standards surréalistes ont profondément transformé la perception que l’on a de notre corps et notre jugement sur autrui. Ce perfectionnisme est avant tout une affaire sociale, c’est dans le regard de l’autre que l’on guette à tout prix l’approbation. L’intime, souvent, incarne le lâcher prise. Le masque tombe, avec tous ses accessoires : maquillage, bijoux, soutien-gorge, talons, etc. On redevient notre “vrai soi”, à l’état brut.

Pour avoir votre avis, on a lancé un sondage Instagram autour de la question : “Continuez-vous à prendre soin de votre apparence durant le confinement ?”. Et on en a tiré une conclusion très intéressante. Si la majorité déclare ne plus s’épiler ou se maquiller, elle affirme aussi faire des efforts au quotidien pour être bien dans sa peau. Comme quoi, l’un va très bien sans l’autre. 

Résultats du sondage Confinement et apparence physique sur notre Instagram @beweirdofc

« Mais que vais-je faire de mon corps ? »

Habitués à vivre à travers lui, les humains sont pris au dépourvu quand tout à coup, le monde immatériel de l’oisiveté et de l’introspection occupe tout l’espace.

En effet, lorsque le peuple a été “assigné à résidence”, la première réaction fut naturellement le choc, l’inquiétude, la surprise. L’humain, résilient, pond alors des mèmes à tout va. On tourne en dérision notre vie, on cherche à la rendre plus légère. On fait des apéro-skypes. Les premiers jours, on se marre. Puis le temps commence à se faire long, vient alors l’heure de prendre des bonnes résolutions, pour garder le contrôle. Si celles du nouvel an 2020 sont bel et bien foutues, autant mettre les compteurs à zéro.

De là, deux voies se dessinent : celle des acharnés et celle des fainéants – sans aucun jugement de valeur. Tandis que l’acharné va mettre en place son programme sportif et sa diète, le fainéant va lézarder et oublier le sens des aiguilles d’une montre. 

Dans un cas comme dans l’autre, la réponse à la question est simple : fais-en ce que tu veux ! Profite de cette distanciation sociale pour être plus proche de toi que jamais. Ce message s’adresse, évidemment, à toute personne en mesure de se poser cette question. À toute personne qui, aujourd’hui et quelle qu’en soit la raison, n’en est pas à se demander si son corps va survivre à cette épreuve.

Prends ton courage à deux mains et ose ce que tu n’as jamais osé : vis avec les cheveux dégoulinants de sébum, laisse tes boutons purulents gravir les sommets de ton front, tes seins embrasser ton nombril, tes poils jaillir en feu d’artifice de tes aisselles odorantes. Ôte cette parure de virilité de ton visage, révèle la surface lisse de ta tête, vernis ces ongles rongés, colore ces paupières fatiguées. Promène-toi nu.e, mange, danse et chante à tue-tête. Oublie tout ce que le monde extérieur attend de toi. Et surtout, ne prête aucune attention à ceux qui voudraient te faire culpabiliser. La seule chose qui n’est pas naturelle, c’est de se poser des interdits. Ose, et peut-être que la prochaine fois que tu sortiras, tu trouveras la force de ne plus laisser le “vrai toi” au pas de la porte.  

Dans le monde utopique de Lennon, on n’en parlerait même pas. Dans la réalité, ça fait jaser. C’est insolite, de laisser la nature reprendre ses droits, d’être créatif avec son apparence. Allez savoir pourquoi, ça dérange. Au nom de quoi cette injonction existe-t-elle ? Pourquoi s’infliger “10 commandements beauté spécial confinement” ?

Continuer à s’entretenir pour son propre plaisir, soit ! Avoir le recul nécessaire pour faire ses propres choix, parfait. Mais les plus vulnérables, les plus jeunes, les plus complexé.e.s, elles et eux, angoissent : cheveux blancs, poils, poids… autant de tabous esthétiques qui pèsent sur les consciences. 

En leur nom, de belles initiatives libératrices et engagées ont fleuri sur les réseaux sociaux. Des coups de gueule, des photos militantes, des billets d’humeur et des stories viennent réclamer la trêve des dictats. En ces temps où la “guerre” à mener dépasse la question de l’apparence, il faut revoir nos priorités. Et se foutre la paix. La crise sanitaire que l’on vit aujourd’hui est déjà digne d’une science-fiction dystopique. Le monde est à l’envers. Alors pourquoi pas, à la fin du confinement, le remettre à l’endroit ?

Kiffez-vous comme vous êtes, découvrez-vous des vocations. Be weird.