Rares sont devenus ceux qui se souviennent d’un monde sans plastique. Ingrédient incontournable pour nos emballages, sacs et bouteilles d’eau, il a réussi, en moins d’un siècle, à conquérir la planète bleue, et à atterrir jusqu’au fond des océans.
Le mot trouve ses racines dans le terme grec “plassein”, que l’on pourrait traduire comme “donner forme”. Et il n’y a pas un seul plastique, mais une vaste catégorie de polymères – des chaînes d’atomes répétitives, composées essentiellement de carbone – dont beaucoup sont dérivés du raffinage de pétrole ou de gaz. C’est cette structure hors du commun qui donne au plastique ses propriétés de flexibilité et d’étanchéité, à l’origine de sa gloire. Alors comment en est-on arrivés à être submergés de plastique – un matériau qui n’existait pas il y a un siècle ?
Le parrain du plastique se prénomme John Wesley Hyatt. Son invention remonte à 1869, alors qu’une compagnie new-yorkaise cherchait désespérément une alternative à l’ivoire pour éviter le massacre d’éléphants. Ce chercheur a découvert que le plastique, issu d’un traitement la cellulose, pouvait calquer l’apparence d’éléments naturels, tels que la carapace d’une tortue ou l’ivoire. Une révolution pour les industriels, qui ont pu gagner du temps de production, mais aussi pour l’environnement, qu’il n’était plus nécessaire de dégrader pour extraire des éléments rares.
Puis, c’est en 1907 que Leo Baekeland, un chimiste américain, donne naissance au « Bakelite ». Ou plutôt au « vrai » plastique. Sa spécificité ? Aucune de ses molécules n’est trouvable dans la nature. Le plastique entame alors une longue métamorphose. Les compagnies chimiques n’hésitent pas à investir dans de vastes programmes de recherche pour ce produit déjà considéré comme prometteur.
Si l’on devait désigner une star de toutes les sortes de plastique, le plus répandu, ce serait sans nul doute le polyéthylène. Né en 1933, il a d’abord été utilisé par les britanniques à des fins militaires, pour altérer le signal des radars et ainsi échapper aux frappes aériennes allemandes. Son processus de fabrication est d’ailleurs longtemps resté un secret d’Etat.
Il faut toutefois attendre les années 1960 pour que le plastique soit plébiscité par les industriels et produit en masse. Ses atouts d’étanchéité et de résistance ont séduit de nombreuses marques, à tel point qu’en 1985, plus de 75% des magasins proposaient des sacs plastiques. Emblème d’une consommation démocratisée, sa demande a explosé et a drainé sa production, qui s’élève à 9,2 milliards de tonnes au total depuis les années 1950.
Pourtant, une réalité troublante s’est rapidement substituée à l’optimisme de départ. Celle de la pollution des fonds des océans et de la mise en danger d’espèces marines par les déchets plastiques. Car il faut savoir que ce dernier peut mettre jusqu’à 1000 ans pour se dégrader dans la nature. L’alerte lancée par différentes ONG a propulsé le sujet jusqu’aux premiers rangs de la scène politique. Et en conséquence, la tendance est en passe de s’inverser.
Aujourd’hui, nombreuses sont les initiatives qui essaient de réinventer le plastique : de plus en plus souvent d’origine végétale, il est fabriqué à partir d’éthanol et conserve ses propriétés sans nuire autant à l’environnement. En trente ans, le volume de plastique nécessaire pour produire un pot de yaourt a été divisé par deux. Même la Commission européenne s’est saisie de la question, en interdisant les pailles plastiques. Entre remplacement par du carton ou du verre, des ventes en vrac, ou encore des systèmes de consigne, les tentatives de s’émanciper de l’emprise du plastique se bousculent. La généralisation du recyclage permet aujourd’hui de réutiliser 29% du plastique en France. Un chiffre toutefois loin d’être suffisant pour résoudre ce délicat problème.
Car dans les circonstances actuelles, la crise du plastique risque de s’aggraver encore. La crise sanitaire a généralisé le plastique à usage unique, et la Chine a refusé de poursuivre son rôle de poubelle de traditionnelle « poubelles » de l’Occident, vers laquelle étaient expédiées des tonnes de plastique chaque année.