Après avoir restitué la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud en 2002 et les têtes maories à la Nouvelle-Zélande en 2012, la France a restitué vendredi 03 juillet 2020 vingt-quatre crânes de résistants à l’Algérie, tués au XIXe siècle, en pleine colonisation.
Pour rappel, la question de la restitution des crânes de résistants algériens remonte à 2011. « Les crânes de Boubaghla, de Bouziane, de Moussa Al-Darkaoui etc. qui portent chacun un numéro d’ordre inscrit à même l’os, sont calfeutrés dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages des magasins de chaussures. ». C’est ainsi que s’était exprimé, il y a neuf ans déjà, l’historien Ali-Farid Belkadi dans une tribune publiée dans Algérie 360.
L’historien avait terminé sa tribune par ces mots : « Espérons qu’un homme politique estimable ou quelque député exemplaire, cela existe, se manifesteront dignement, à titre officiel, afin que les morceaux du corps de ces héros nationaux authentiques soient rapatriés pour être enterrés au Carré des Martyrs du cimetière d’El-Alia »
Il aura fallu attendre décembre 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron pour qu’un engagement de la part de la France soit pris. Il aura aussi fallu attendre janvier 2018 pour qu’une demande officielle soit formulée par l’Algérie et juillet 2020 pour que cette demande soit réalisée. Cette promesse tenue « s’inscrit dans une démarche d’amitié et de lucidité sur toutes les blessures de notre histoire » a tenu à rappeler l’Elysée.
Parmi les résistants exécutés, puis décapités par les troupes françaises figuraient le cheikh Bouziane et Chérif Boubaghla, tous deux chefs d’insurrection populaire et militaire. Enterrés dimanche dernier, jour d’anniversaire de l’indépendance algérienne, ces « martyrs » reposent aujourd’hui en paix avec les autres résistants.
L’historien et professeur Benjamin Stora a réagi à l’AFP : « A travers ce genre de geste, la France redécouvre son Histoire. Cela contribue à sortir de l’oubli des pages sombres de notre histoire. On avait le sentiment que la conquête coloniale avait été brève. Mais la construction de grandes villes haussmannienne comme Alger ou Oran, de routes, d’hôpitaux… s’est édifiée sur des massacres, sur des choses terribles ».
Ce dossier éclairant vient ajouter une pierre à l’édifice et au débat sur l’histoire de la colonisation, dans un contexte de remise en cause mondial du passé colonial.