Femmes de plus de 50 ans : les oubliées du cinéma français

Si les femmes de tout âges souffrent d’une sous-représentation à la télévision et au cinéma, passé la barre des 50 ans, on peut quasiment parler d’invisibilité.

Face à ce constat, l’actrice Marina Tomé (voir photographie ci-dessus) a lancé la « Commission du tunnel de la comédienne de 50 ans » au sein l’AAFA (Acteurs et actrices de France associés). Son but : théoriser cette absence et y trouver des solutions.

Où sont les femmes… De plus de 50 ans ?

En 2015, Maggie Gyllenhaal, actrice hollywoodienne pourtant connue et reconnue, racontait comment elle s’était vu refuser un rôle parce qu’elle était jugée « trop âgée » pour jouer l’amante d’un homme de 55 ans… Elle avait alors 37 ans.

Aujourd’hui, en France, les femmes de 50 ans et plus représentent 53% des femmes de plus de 20 ans (INSEE 2020). Pourtant en 2016, selon la Commission, 6% des rôles féminins seulement étaient attribués à des femmes de cette tranche d’âge. L’écart est colossal, à croire qu’à partir d’un certain âge, les femmes n’ont plus la place sur nos écrans.

La conséquence de ce jeunisme vorace, pour les actrices, se sont d’abord des carrières plus courtes. Selon Mathieu Arbogast, qui a fait de la question de la représentation des femmes à la télévision son sujet de doctorat, la carrière des actrices serait bien plus concentrée autours de la vingtaine et de la trentaine que celle des acteurs. Les femmes oscarisées recevraient, par exemple, la récompense en moyenne dix ans plus tôt que leurs homologues masculins. Quand, aux séries télévisées, qui par la multiplicité des saisons, permettraient, de voir « vieillir » les actrices, elles sont en réalité le terrain d’un très fort taux de turn-over pour les femmes. Autrement dit, elles se voient remplacées avant les premières rides.

Pour les actrices, se pose évidemment la question essentielle de l’impossibilité de travailler passé un certain âge. Cependant, la question s’étend bien au-delà de la profession, car elle est en réalité au cœur d’un système plus globale, défavorable aux femmes.

Maggie Gyllenhaal, cette femme âgée.

Au-delà du travail de actrices : une question de société

Les créations culturelles, qu’elles soient au cinéma, à la télévision ou au théâtre, participent à la construction d’un imaginaire collectif. Or, quand on ne représente plus les femmes après 50 ans, on les invisibilise, on leur retire leur place au sein de cet imaginaire.

C’est un procédé qui participe aussi, par exemple, à l’invisibilisation des femmes racisées, sujet très bien abordée dans l’ouvrage collectif Noire n’est pas mon métier (Edition du Seuil), car, s’il ne s’agit pas du sujet de l’article, rappelons quand mêmes qui les actrices racisées font face à la triple pénalité du sexisme, de l’âgisme et du racisme.

 Ne plus représenter les femmes après un certain âge, renforce l’idée que celles-ci n’auraient « pas le droit de vieillir », car leurs qualités seraient périssables. En outre, si comme Maggie  Gyllenhaal, vous n’êtes supposément plus capable de susciter le désir des hommes (car les hommes ne seraient attirés que par des jeunes femmes, CQFD), vous n’avez plus le droit à une existence à part entière.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que le peu de femmes quinquagénaires représentées à la télévision ou au cinéma, le sont souvent sous un prisme strictement « non-sexuel ». Ainsi, Mathieu Arbogast, qui a travaillé avec un panel de 26 actrices, a pu constater que l’année de son étude, seulement six d’entre-elles ont joué le rôle d’une femme ayant une vie amoureuse ou sexuelle. Enfin pardon, n’oublions pas le mythe de « la femme cougar », magnifique invention de la pop-culture, qui rajoute une couche de mépris sur la sexualité des femmes après 50 ans.

Vers la sortie du tunnel ?

Le problème ne vient bien sûr pas d’un manque d’actrices talentueuses, mais du nombre et de la diversité des rôles proposés : la clef se trouve donc peut-être du côté des auteur.trice.s.

 La Commission a fait un immense travail de communication en ce sens, proposant notamment des concertations entre scénaristes, réalisateur.trice.s, producteur.trice.s et directeur.trice.s de casting, dans le but de dégager des pistes d’action et de réflexion.

Un manifeste a également été rédigé et a reçu les signatures de divers syndicats du milieu.

Le Festival du film court, partenaire de l’AAFA, organise quant à lui un concours de scénarios pour lesquels le personnage principal doit obligatoirement être une femme de 50 à 65 ans.

En tant que spectateur, nous avons également un rôle à jouer, car n’oublions pas que derrière chaque rôle de femmes de cinquante ans, remplacé au dernier moment par un rôle de femme de 24, il y a un décideur financier persuadé que les femmes plus âgées n’intéressent pas le public. Si une femme de 60 ans parvient toujours à s’identifier avec un personnage vingtenaire, il y a tout à parier que le contraire est possible. Sortons, nous aussi, de nos représentations stéréotypées et donnons leur chance aux actrices de tout âge.