Esport : Comment attirer les joueuses vers la compétition ?

Aujourd’hui, alors que les femmes représentent la moitié des joueurs de jeux vidéo, elles sont sous-représentées dans le milieu compétitif, avec des chiffres qui dégringolent à 10% de joueuses seulement dans les tournois.

Comment expliquer ce désengagement féminin et qui sont ces acteur.trice.s qui tentent aujourd’hui de faire bouger les choses ?

Des compétitions sans joueuses

Quand on parle d’esport, on parle de la pratique de jeux permettant l’affrontement entre joueurs. Parmi les plus populaires, on retrouve par exemple Fortnite, la série des Fifa, ou League of Legends. Ces affrontements prennent parfois la forme de tournois et pour les femmes, c’est là que le bât blesse.

Si l’on observe les pratiques de ce type de jeux comme loisir (c’est-à-dire sans classement et sans inscription à des compétitions), on retrouve une proportion de femmes proche de la moitié. Or, dès que l’on se penche sur le nombre des joueurs participant cette fois à des parties classées, le taux de femmes est de 29% seulement. Enfin, dès que l’on entre dans le milieu de la compétition, le taux de présence féminine chute à 10% (Chiffres France-esports et Médiamétrie 2019)

Ces chiffres ont l’intérêt de montrer que, si les femmes s’intéressent bien à ce type de jeux, c’est spécifiquement dans le milieu compétitif qu’elles ne sont pas engagées.

Ce défaut de représentation est d’autant plus significatif que l’esport est censé être une pratique mixte, puisque les différences physiologiques entre les corps mâles et femelles n’ont pas d’incidence sur le jeu. Il faut d’ailleurs bien le préciser : aucun grand tournoi n’empêche théoriquement la participation de femmes. Alors qu’est-ce qui maintient les joueuses hors des compétitions ?

L’association Game’Her travaille avec des joueurs et des joueuses. Leur objectif est d’encourager la mixité, en démocratisant notamment la présence des femmes dans les domaines de l’esport et du streaming.  Selon leur équipe, ce découragement peut venir en partie de la toxicité qui règne encore dans certaines communautés, mais aussi de l’absence d’exemple à suivre : 

« Le manque de role model féminin sur la scène esport n’aide pas forcément les femmes à pouvoir se dire “un jour je ferai comme elle”. Et je pense que le syndrome de l’imposteur joue beaucoup, les femmes ne se sentent pas forcément légitimes pour se lancer dans l’esport et dans des tournois (comme dans d’autres domaines). »

Des pistes vers une meilleure représentation

Game’Her, en plus de son accompagnement de joueurs et joueuses, organise un tournoi, la Game’Her League. Pour encourager la mixité et pallier les problématiques susmentionnées, l’équipe mise sur la communication et la modération : « Nous avons vraiment axé la communication de ce tournoi sur le fait que tout le monde, joueurs comme joueuses, est invité à participer. Nous avons aussi effectué une modération, en sanctionnant tous les propos et comportements inappropriés ».

L’association Women In Games, quant à elle, a créé un incubateur permettant d’accompagner et de coacher des joueuses qui, plus tard, pourront rejoindre des équipes mixtes. «Nous cherchons avant tout à mettre en avant des joueuses talentueuses, travailleuses et motivées à percer sur la scène esportive, à niveau semi-pro ou pro (le rêve ultime!) » nous dit Servane, responsable du pôle esport de l’association.

La Saison 2 de l’incubateur aura lieu courant 2020. Au programme, de nouveaux jeux, un coaching en conditions d’équipes, des visites de structures professionnelles, des tournois, des bootcamps et du coaching mental. « […]  Le but est toujours de leur faire apprendre un maximum de choses, que ce soit sur le plan technique ou mental ».Les participantes de la première saison, quant à elles, sont déjà, « sur le marché » et tentent d’intégrer des équipes. « Le chemin est parfois long à parcourir avant de trouver une structure stable, mais elles ont toutes les clés en main pour y parvenir » conclut Servane.

Que penser des tournois réservés aux femmes ?

Les tournois non-mixtes et réservés aux femmes ont déjà été avancés comme une solution possible, mais à court terme :

« Les tournois féminins, pourquoi pas, si ça permet à certaines femmes et personnes non-binaires d’être plus à l’aise pour une première approche, mais comme il a été dit, ça doit rester passager. Sur du long terme chaque personne, quelle qu’elle soit, doit pouvoir se sentir libre de participer à n’importe quelle compétition » nous dit Sophia, responsable des relations presse esport de Women In Games. 

Même son de cloche chez Game’Her : « créer des tournois exclusivement féminins ou masculins n’est pas forcément une bonne idée s’il n’y a aucune intégration dans des équipes et/ou compétitions mixtes par la suite. Cela n’aidera pas vraiment à faire évoluer les mentalités et confortera certaines personnes dans leur idée que les femmes n’ont pas leur place dans le jeu vidéo ».C’est donc bien dans des changements sur le long terme qu’il faut s’engager. Heureusement, le secteur de l’esport, autant dans sa consommation que sa pratique, est en plein boom : chaque année, le nombre de joueurs et de spectateurs augmente significativement. Le taux de femmes, comme joueuses ou spectatrices, connaît lui aussi cette courbe positive : un sondage américain avait par exemple noté une augmentation de 6% des spectatrices d’esport entre 2016 et 2018. Le changement est déjà en marche.

Merci aux associations Game’Her et Women In Games France.