Confinement et santé mentale : explications et conseils d’une psychologue

Confinement et santé mentale : explications et conseils d’une psychologue

Le 16 mars, le Président de la République Française annonçait le confinement dans une allocution télévisée. Une interdiction de sortir de chez soi de deux à six semaines qui a pu provoquer chez certains de terribles angoisses.

Se confiner, c’est s’enfermer. S’enfermer pour éviter tout contact avec l’extérieur. Une mesure inédite pour nos générations.
Lucile Egeley, psychologue clinicienne de formation (spécialisée en santé et éducation) et formée en bioénergie quantique et kinésiologie, ainsi qu’en art thérapie nous donne son point de vue et ses conseils afin de mieux vivre cette situation inédite.

Comment travailles-tu habituellement ? 

Je travaille en libéral à Bordeaux au Centre Emergence. C’est un centre de soins paramédical. Dans mon bureau je reçois les patients de deux façons :
– en face à face pour des consultations de psychologie classiques (discussion, échange, évaluation psychologique, jeux et guidance avec les enfants).
– en psycho corporel : La personne est allongée et on travaille ensemble sur ses émotions, les ressentis, les mémoires cellulaires de son corps etc… 

Continues-tu à suivre à tes patients ? 

Avec les conditions actuelles, j’ai du repenser ma façon de travailler. J’ai commencé à faire des vidéos sur différents sujets pour aider les patients dans cette période de confinement, et les aider à être plus autonomes.
Pour le face à face, j’ai installé la téléconsultation sur Doctolib et WhatsApp.
Pour les consultations psycho-corporelles, je commence à proposer des soins énergétiques à distance à mes patients. Ce que je faisais avant uniquement pour mes proches. 

Comment le confinement les affecte-t-ils ?

Chacun vit ce confinement différemment. Ce que je pourrais trouver comme point commun, c’est que ce confinement fait émerger ce qu’il y a au fond de chacun d’entre nous. Pour certains, cela va être la tristesse, la colère, les peurs, les situations non résolues etc… Pour d’autres, cela va plutôt bien se passer.
Ce qu’il faut savoir, c’est que lorsque l’on est confiné, on ne peut plus « échapper à soi-même ». On ne peut plus compenser avec l’extérieur, une détresse qui était à l’intérieure. Il faut l’accueillir. Et c’est une belle opportunité pour s’occuper de soi. 

Quelles sont leurs préoccupations premières ?

La plupart des gens se demandent ce qu’ils vont faire de leur journée. Ils se demandent aussi comment gérer les contraintes économiques, le stress, ou encore la promiscuité. 

Que leur conseilles-tu ?

Je leur conseille de :

  1.  faire des choses qui leur font du bien, pour se mettre en joie, se motiver et être dans une dynamique positive ;
  2. « s’ancrer » pour être vraiment présents dans leur corps, apaisés et concentrés. L’ancrage passe par exemple par faire des étirements chaque jour, des auto massages, ou encore de la méditation ; 
  3. garder un certain rythme et une structure car c’est important. Par exemple : se lever le matin, s’habiller, respecter des tranches horaires pour les repas, le coucher ;
  4. s’organiser sur ce qu’ils veulent faire dans leur journée ; 
  5. prendre le temps d’accueillir ce qui est en eux, et de régler des situations non résolues ;
  6. partager des bons moments avec leurs proches et dialoguer sur les questions d’espace et d’intimité pour trouver un nouvel équilibre. 

Beaucoup de gens sont confinés seuls dans des petits studios, quels sont les risques sur leur santé mentale ?

Certains vont se sentir bien. D’autres peuvent à la longue :

  • se sentir enfermés,
  • se laisser aller (par exemple perdre leur ancrage, leur motivation, rester en pyjama tous les jours, déprimer etc…),
  • compenser avec la nourriture ou les écrans,
  • être très anxieux voir paniquer,
  • regarder trop les informations et commencer à devenir parano. 

Que leur conseilles-tu pour contrer l’anxiété ?

L’angoisse vient d’une projection pessimiste sur le futur. Pour lutter contre l’angoisse, le mieux est de se centrer sur le moment présent. Êtes vous en danger de mort tout de suite ? Oui ? non ? La plupart du temps, la réponse est Non.

Il s’agit alors de faire taire le mental, en relativisant et en centrant son attention sur quelque chose de positif, sur ce qui va bien. En faisant quelque chose que l’on aime en conscience. 

On peut s’entourer aussi, échanger avec sa famille ses amis (sur les réseaux), rire, partager de bons moments.

Il faut sortir du cercle de l’angoisse, arrêter de regarder ce qui nous fait peur (par exemple l’excès d’informations). 

Revenir au corps aussi fait du bien : on peut respirer en conscience, faire des étirements, méditer, se promener dans son jardin si on en a un, ou respirer à sa fenêtre. 

Après si l’on est anxieux de nature, cela peut faire du bien de travailler en psychothérapie pour saisir les causes profondes de ces angoisses et être plus apaisé dans sa vie en général.

Est-ce que l’esprit humain peut mettre en place des mécanismes pour se préserver ? Lesquels ?

En tant normal, le mental a besoin de garder une « sensation de contrôle » sur ce qui se passe. Mais en réalité, en situation de pandémie, pour la majeure partie de la population, il y a peu de choses que l’on peut contrôler à notre niveau. 

Pour aller le mieux possible, il s’agit donc :

– déjà d’arrêter d’être en permanence dans la peur, et l’attente. Donc limiter les informations au nécessaire puis éteindre sa télévision. 

– être impliqué à son niveau en suivant les consignes de sécurité décidées. 

– monter son niveau vibratoire (par la méditation, la joie, le partage

– Se dire que l’on fait de son mieux. 

– se mettre en action : en étant créatif.

Par exemple en réinventant des nouvelles façons de faire, de travailler.

– Accepter que l’on ne peut pas tout contrôler, lâcher prise et faire confiance à la Vie. 

Vers quelles solutions se tourner si ça ne va vraiment pas ?

Consulter, ne pas rester seul. Ce n’est pas une honte de demander de l’aide. Un médecin, ou un psychologue sont à l’écoute en cas de besoin.
Il y a aussi des lignes d’écoute 24h/24.

Le confinement peut-il avoir des conséquences sur la santé mentale des enfants et des ados ?

Je dirais les mêmes que pour un adulte. J’ajouterais également que certains adolescents peuvent être assez impulsifs. L’excès de peurs, de promiscuité et d’enfermement pourrait faire décompenser les plus fragiles. 

Il est donc important : 

  • d’entretenir avec eux un climat de confiance, d’apaisement de disponibilité et de respect de leur intimité,
  • mais aussi de poser des limites claires et respectueuses. 

L’idée est d’être disponible pour eux, de respecter leurs besoins d’indépendance qui émergent, et de les sécuriser.

Comment aider des enfants anxieux face à la situation ?

Les enfants ressentent énormément les émotions. Ils sont un peu comme des « éponges ». Pour qu’un enfant soit apaisé, il est important que son parent soit lui même apaisé. Donc pour le parent, il faut être :

  • capable de gérer ses émotions à lui en tant que parent et, 
  • être disponible psychiquement pour apaiser les émotions de son propre enfant. 

Ensuite on peut aider les enfants à être créatifs, dans la joie, à créer et, être confiant. 

Penses-tu que l’on peut vraiment profiter de cette période pour se recentrer, apprendre à se connaître et apprécier la solitude ? Si oui, de quelle façon ?

On parle de « solitude », mais en réalité, de nos jours avec les réseaux, on est rarement seuls. 

Je pense sincèrement que cette période peut être vraiment bénéfique pour se reconnecter à soi. Il faut accueillir ce qui est au fond de nous, ne pas en avoir peur et juste prendre le temps de se poser. 

Il est important aussi de voir les cadeaux cachés de ce confinement. 

Derrière ce chamboulement, nous avons aujourd’hui le temps ! Le temps de faire ce que l’on aime, le temps de profiter de nos enfants, le temps de faire un point sur notre vie et sur ce qui est important pour nous. On peut se questionner :

« La vie que je mène aujourd’hui m’épanouit-elle pleinement ? » « Y a-t-il des choses que j’aimerais faire, repenser, modifier ? »

Le confinement, c’est un peu comme si la Vie offrait à l’ensemble de la planète, une pause, dans une grande cavalcade pour avoir le temps de penser, de respirer et de se réaligner.