crédits : Collages Féminicides Lyon

Cauchemar en politique

Rien ne va plus dans ce « remaniement de la honte ». Avec plus de rebondissements que la dernière saison de Game of Thrones, la série élyséenne ne cesse de sortir de nouveaux scandales chaque semaine. Mais pourquoi donc les féministes, et plus largement les militant·e·s des diverses luttes sociales, cassent-ils et elles autant l’ambiance lorsque le sujet du remaniement arrive en soirée ?

Misogynie exhibée et luttes sociales non considérées

On l’a compris, la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’égalité femmes-hommes, Elisabeth Moreno, ne veut pas mettre trop mal à l’aise les hommes ; et ne surtout pas leur donner l’impression qu’il «  n’ y en a que pour les femmes ». Tout en douceur et en pédagogie féminine, continuons à faire des blagues à la machine à café. Mais cette fois-ci, rigolons du gouvernement et du remaniement. Bousculons-les un peu afin d’arrêter de parler « d’homme à homme », comme le dit si bien Macron.

Ces quelques mots prononcés par le Président pour qualifier sa discussion avec Darmanin, suites aux manifestations féministes, sont lourds de sens. Offense calculée envers les féministes de la part de sa communication, ou bien lapsus révélateur de son incompréhension quant à cette lutte ? Difficile de savoir. Pourtant, on discerne bien son vœu d’une dépolitisation des luttes féministes et son envie de montrer que l’affaire Darmanin est à régler en privée, pas besoin de descendre dans la rue. Sauf que c’est justement cela qui doit se passer.

En effet, ce sont les luttes sociales dans leur ensemble qui sont bafouées quand on voit ce remaniement. Entre un ministre de la Justice ouvertement contre le mariage pour tous, un ministre de l’Intérieur accusé de viol, et une secrétaire en charge de la Biodiversité qui refuse d’inscrire le retrait du glyphosate dans la loi ;  on se dit qu’on tient là un beau palmarès pour ce nouveau monde « d’après ».

La présomption d’innocence : carte joker de la culture du viol 

Depuis la nomination de Darmanin au Ministère de l’Intérieur, on n’a jamais autant entendu parler du fameux principe de la présomption d’innocence. Bien évidemment les féministes ; et les plus de 17 700 personnes qui ont signé la pétition demandant son retrait ; ne l’ont pas oublié. Ils et elles ne crachent pas dessus non plus. 

C’est l’éthique d’un gouvernement qui a nommé ce ministre à ce poste qui pose problème. C’est de voir passer à la trappe une des priorités du quinquennat de Macron quant à la mobilisation contre les violences faites aux femmes qui fait gronder. C’est de voir que les victimes de violences sexuelles et sexistes n’ont aucune considération qui met en colère. Surtout lorsque que l’on sait que ces violences sont en recrudescence ; que seules 10% des femmes victimes de viol portent plainte ; que 60% d’entre elles essuient un refus ou un découragement de plainte ; et que seuls 3% des viols débouchent sur un procès. N’y avait-il pas d’autres personnes avec des compétences, et sans accusation de viol, pour occuper ce poste ? 

Mais la goutte d’eau qui fait déborder le vase de la colère, c’est de voir que Darmanin qualifie les accusations de véritable « chasse à l’homme ». Hop, le statut de victime est retourné. Le pauvre, il s’en prend quand même plein la tronche alors que les juges ne se sont pas encore prononcés sur cette affaire toujours en cours. De plus, 167 parlementaires sont d’accord avec ça. Les féministes vont trop loin avec leurs revendications et leur oubli de la fameuse présomption d’innocence. Sauf qu’ils  se placent seulement, et encore, sur le terrain judiciaire dans leur tribune publiée sur Le Monde. Même Darmanin en rajoute une couche, allant jusqu’à partager sur sa page Facebook une pétition lancée pour son soutien. 

Confiance, écoute et empathie : les inconnues du gouvernement

« Je ne comprends pas cette polémique », lance Bruno le Maire, ministre de l’Économie. Petite phrase que l’on pourrait penser comme étant innocente, elle montre  bien l’étendue du gouffre entre l’Élysée et les militant·e·s. C’est probablement dû à « l’ensauvagement d’une partie de la société » dont parle Darmanin, sûrement encore brusqué par la « chasse à l’homme » qu’il dit avoir subi. On ne peut passer à côté du fait que cette expression fait écho à « l’ensauvagement » mentionné par l’extrême-droite depuis quelques années. Mais on ne peut surtout pas passer à côté du fait que les revendications sociales ne sont pas entendues, et encore moins écoutées. Là-haut,on se serre les coudes en espérant que la tempête passe.

Sauf que cette fois-ci, ce sont les féministes, et les militant·e·s des différentes luttes sociales qui ne laisseront rien passer. Car aux yeux de Darmanin, quelles sont les valeurs fondamentales de l’État à défendre ? Ce ne sont certainement pas les nôtres : un accusé de viol au gouvernement, une non considération des victimes de violences sexistes et sexuelles, des propos toujours plus déconnectés d’une certaine réalité sociale, et la liste est encore longue. Mais en attendant que tombe le prochain épisode de cette série toujours plus risible, faisons entendre notre mécontentement.