Si vous évoquez le Syndrome d’Asperger, les chances seront grandes pour que l’on vous renvoie à Rain Man, film américain sorti en 1988 dont le personnage principal présente un trouble du spectre autistique ayant contribué à ancrer dans l’imaginaire collectif une image de l’autisme qui ne recouvre pas les nombreuses subtilités de la réalité. Le Syndrome d’Asperger en est, en effet, une des différentes formes, et viendra se manifester différemment selon qu’il touche les hommes ou les femmes.
C’est ainsi qu’est entré dans le langage la dénomination Aspergirl, contraction d’Asperger – du nom du psychiatre ayant découvert ce syndrome – et de girl, initiée par Rudy Simone pour qualifier celles que l’on appelait avant cela les « aspies ». Quatre à cinq fois moins nombreuses que les hommes, les Aspergirls sont par ailleurs moins souvent détectées, ou plus tard. Ceci s’explique par une plus grande capacité d’adaptation de ces femmes qui, en développant des stratégies de compensation et d’imitation, parviennent à camoufler leurs différences de développement, telles que des difficultés dans les interactions sociales ou des intérêts spécifiques. Véritable « sous-culture dans la sous-culture » selon Rudy Simone, les femmes Asperger vont souvent devoir faire face à de nombreuses difficultés, particulièrement lorsqu’elles ne sont pas diagnostiquées dès l’enfance.
En effet, les comportements mis en place afin de correspondre au modèle neuro-typique vont se révéler coûteux en énergie, et générer de l’anxiété, pouvant entraîner à son tour des conséquences psychosomatiques. Souvent, des erreurs de diagnostic vont conduire à des traitements contre-productifs et certaines femmes, diagnostiquées tardivement, auront pu avant cela être diagnostiquées bipolaires, schizophrènes, soignées pour des troubles anxieux ou alimentaires, et ainsi voir leurs souffrances accrues par la tentative de soigner des symptômes liés à une cause erronée.
Nombreuses sont les manifestations du Syndrome d’Asperger à être presque invisibles, d’autant plus lorsqu’est ancrée dans l’imaginaire collectif une vision de l’autisme correspondant plutôt à ses manifestations chez les hommes. Ainsi, une femme Asperger aura tendance à préférer des vêtements et coiffures pratiques, et sera perçue de l’extérieur comme « peu féminine ». Les difficultés sociales seront jugées comme de la timidité ou de la distance, et les intérêts spécifiques – souvent moins atypiques que chez les hommes – vus comme des passions. De plus, des stratégies d’évitements seront également mises en place, et les Aspergirls esquiveront ainsi les situations de surcharge émotionnelle et sensorielle comme les foules, les concerts ou les soirées, préférant évoluer dans des environnements connus ou dans des situations contrôlées.
Mais, petit à petit, la parole s’ouvre et les témoignages permettent de changer les choses, en permettant notamment à de nombreuses femmes de s’identifier et d’entamer les démarches – malgré des délais souvent longs, et des procédures pouvant être coûteuses – pour être diagnostiquées. C’est ainsi que Super Pépette a lancé une chaîne Youtube pour évoquer la réalité du syndrome et de la vie d’une Aspergirl. De même, de nombreux blogs et autres forums fleurissent désormais pour évoquer ces questions, tandis que la recherche avance – alors que la France présente un lourd retard en la matière –et que la liste des traits caractéristiques des femmes Asperger tirée du livre L’Asperger au féminin de Rudy Simone commence à faire office de référence.
Récemment mis en lumière par Greta Thunberg, porteuse du Syndrome d’Asperger et dont l’engagement est typique d’un intérêt spécifique tel que développé par les aspies, le Syndrome d’Asperger est en train de changer d’image : la militante suédoise le décrit elle-même comme un don et une force, et l’on ne peut qu’espérer voir ce genre de discours se répandre, pour permettre à toutes les femmes – Aspergirls ou non – de s’affranchir des idées reçues et s’épanouir avec leurs différences.