Montre-moi ton genre : Zoom sur l’écriture inclusive

« Le masculin l’emporte sur le féminin ». C’est pour déconstruire cette règle apprise à l’école qu’est née l’écriture inclusive, visant à rendre visibles les genres à l’écrit et à faire apparaître la présence des femmes dans le paysage visuel et sonore.

On écrira ainsi agriculteur.trice.s ou encore avocat.e.s, et l’on parlera d’une bucheronne ou d’une autrice, tandis qu’à l’appellation Droits de l’Homme, on préférera la formule englobante de Droits Humains.

Soucieux d’évoluer en même temps que la société, et face à la démocratisation de l’écriture inclusive, les éditions Hatier ont ainsi tenté, en 2017, de publier un manuel scolaire inclusif, engendrant par leur acte une vive polémique. Considérée par certains comme une atteinte à la pureté de la langue française au même titre que la très décriée réforme de l’orthographe proposée par l’Académie Française en 1990 et qui ne s’est vu appliquée qu’à partir de 2016, elle est revendiquée par d’autres, y voyant une manière de casser les stéréotypes liés au genre qui permettra de déconstruire le sexisme induit par la langue dans l’esprit des générations futures.

Car la lecture d’un texte inclusif laisse rarement indifférent, surtout si l’on n’y est pas habitué : de la sensation d’inconfort visuel, déroutante, découle finalement le constat de l’invisibilité des femmes dans les règles traditionnelles.

Cette invisibilité est, d’ailleurs, un produit historique : le français s’est progressivement établi comme une langue genrée, et a vu sa masculinisation délibérément renforcée au XVIIème siècle, sous l’influence d’intellectuels. Il s’agissait alors d’une manœuvre stratégique pour effacer les femmes de l’espace public en les faisant disparaître du paysage sonore. Jusqu’alors, la féminisation des noms de métiers était d’usage – comme elle l’est toujours, d’ailleurs, pour certains métiers : personne, aujourd’hui, ne songerait à s’étonner qu’on parle d’un acteur mais d’une actrice – ce maintien s’expliquant peut-être par le fait que cette profession a été longtemps mal considérée, souvent associée aux gens de petites vertus.

Ce point historique montre bien le conditionnement des esprits généré par le langage, et donc l’impact stratégique de celui-ci sur nos sociétés, à l’instar de l’usage actuel de la novlangue, réduisant les capacités de réflexion des individus par l’appauvrissement de la langue et de sa maîtrise, et le débat est donc bien moins anodin qu’il ne pourrait en avoir l’air. De nombreux pays font d’ailleurs des pas en direction d’une plus grande inclusion notamment dans les textes officiels : la Suisse ou la Belgique ont ainsi édité des recommandations en matière de formulations non-sexistes, tandis qu’en France, une circulaire de 2017  – rejetant les règles d’écriture inclusive – a néanmoins adopté le projet de féminisation des titres.

L’écriture inclusive n’est donc pas une simple question d’esthétique et d’une volonté stérile de changement, et le débat qui l’entoure nous montre que la question de la place des femmes et de leurs droits est à appréhender de manière globale, puisqu’elle se retrouve dans toutes les facettes de nos sociétés. Si elle n’a pas encore conquis les textes officiels, elle est pourtant de plus en plus répandue notamment dans les médias, choisissant de s’adresser à tous.te.s, sans distinction.