Solide comme un roc…

« J’avais onze ans quand je suis officiellement devenue une femme et mon insouciance légendaire a très vite déchanté quand j’ai vu l’envers du décors. Je me rappelle encore de la joie timide de ma mère quand je lui ai demandé choquée ce qui se passait. »

En même temps, j’étais à l’école quand cela s’est produit. Un passage aux toilettes, trois gouttes de sang dans la culotte et j’étais apeurée.

Je croyais que je faisais une hémorragie. Non. Juste mes premières règles.

Oui, nous allons vraiment parler de règles et pas de ma première fois à l’âge de onze ans, bande de coquins. Je n’étais pas aussi précoce. Je suis désolée de vous décevoir. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai été voir mon professeur principal. J’avais de la chance car c’était une femme. Exceptionnellement, j’ai été autorisé à rentrer chez moi me changer. Il avait été communiquer à mes parents que j’étais malade et qu’il était nécessaire de venir me récupérer au collège. C’était assez flou pour moi, le rapport entre les règles et la maladie.

Arrivée à la maison, il s’en est suivant un flow de discussions embarrassantes. Le sexe, les MST, la vertu, les tampons, les serviettes, la morale tout y est passé sauf une chose la douleur. Ma mère avait omis de me dire que cela était aussi douloureux ou peux être que je ne croyais pas au caractère héréditaire de la chose. Pourtant très rapidement mon tour est arrivée sur l’hôtel de la souffrance.

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Au départ c’était de simples maux de ventre qui pouvaient être soignés à coup de Spasfon. Puis, à cela s’est rajouté les nausées, la diarrhée, les maux de têtes et les courbatures. Un peu tout ce que la nature a de plus beau à offrir. Je me disais avec fatalisme qu’il faut souffrir pour être une femme. Je me moquais de mes copains qui eux, hurlaient à la mort à la moindre migraine. Cependant avec le temps, cela a empiré. Au lycée c’était même insoutenable.

Imaginez une maladie chronique qui une fois par mois vous rends inapte au travail et à quoi que ce soit pendant sept jours. Oui vous avez bien lu, sept jours de souffrance comme les sept plaies d’Egypte, voilà le calvaire que je vivais. 

Il est vrai qu’il existe une controverse sur l’endométriose


Il est vrai qu’il existe une controverse sur l’endométriose. Certaines femmes qui n’ont jamais connu cela ne comprennent pas et s’offusquent contre celles qui en souffrent au quotidien. Je vois et j’entends assez souvent des discours contre l’idée même de reconnaître l’endométriose et tout ce qui s’y approche comme des vraies maladies. Il y a une certaine pudeur et un respect des autres à avoir. Ce n’est pas parce qu’elles n’ont jamais eu une maladie qu’elle n’existe pas. Au contraire, elles devraient être heureuses que les règles douloureuses ne les aient pas choisis comme victimes.

A toutes ses femmes qui se plaignent de nos plaintes, j’ai envie de dire que la douleur est bien réelle.

Réelle au point que mon médecin désemparé n’a pas hésité à me prescrire des dérivés d’opiacés pour atténuer la douleur. Au point que certaines amies ont pensé à se faire ligaturer les trompes pour ne plus souffrir autant. Et surtout, le point pour lequel je ne suis pas fière mais le désespoir fait parfois agir bêtement.

J’en suis souvent arrivé à regretter d’être une femme et de ne pas vouloir d’enfant surtout si c’est une fille.

Pourquoi ? Regardez la place qu’on accorde à la femme dans notre société et vous comprendrez. C’est un combat quotidien pour tout et en plus le risque qu’elle soit autant malade me débecte. Il faut toutefois relativiser. Car le plus souvent parmi ses femmes malades et souffrantes d’endométriose et autres maladies de l’utérus, on trouve des femmes d’une puissance sans précédent. A croire que la douleur nous rend vivantes. Au travail par exemple, je sais que dans les périodes où je vais bien, je dois être deux fois plus performantes. Ainsi, je peux compenser les jours d’absence ou encore les jours où je vais être droguée avec des médicaments et incapable d’être autre chose que l’ombre de moi-même. Les détracteurs diront qu’il existe le stérilet, la pilule, la thérapie par ultrasons et les thé au thym, à la cannelle et clou de girofle.

J’ai essayé certaines de ces solutions avec un succès assez mitigé. 

Nous parlons souvent de ces différents « traitements » avec mes amies qui souffrent de cette maladie. Et, il est clair que les seules moyens de lutter contre, sont les méthodes qui dérèglent le plus nos productions hormonales. Les sautes d’humeur liées au syndrome prémenstruel (SPM) ou au trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) sont multipliées. La libido est impactée. Notre corps a souvent besoin d’un temps d’adaptation à ces traitements assez violents. J’évite de vous parler des effets secondaires qui pourraient vous sembler farfelus.

Nous sommes conscientes qu’il faudrait des années voir des décennies pour qu’on commence enfin à réaliser que ces maladies existent. Mais cela pourrait être plus rapide si les autres femmes, celles qui n’en souffrent pas avaient au moins la décence de ne pas donner des avis défavorables sur la recherche médicale sur ce sujet. Cela nous ferait sans doute économiser quelques années…