©Unsplash, Clem Onojeghuo

Qu’est-ce que militer aujourd’hui ?

Le collectif écologique La Ronce, avec ses divers appels à œuvrer pour la protection du vivant, pose la question d’un nouveau militantisme contemporain. Déboucher les paquets de sucre de Daddy, Saint Louis et Béghin Say est bien plus frappant et mène à des conséquences tangibles immédiates comparé  à la simple signature de pétitions, ou à la marche avec slogans écrits et scandés. En pleine pandémie, et à l’heure où les réseaux sociaux jouent un rôle non négligeable dans le militantisme, qu’est-ce que ça signifie de militer aujourd’hui ? 

Militer : une image moins radicale qu’avant ? 

Le collectif la Ronce le montre : plus besoin de nécessairement descendre dans la rue pour faire entendre son mécontentement. Ce qui est intéressant avec ce collectif, c’est qu’internet devient le relais de leurs idées, mais ces dernières se réalisent sous forme d’actions concrètes. À la différence des pétitions où l’on signe pour soutenir les initiatives, ou montrer son mécontentement, ici internet devient l’endroit qui rassemble et qui pousse à agir dans le réel. Plus besoin de quitter sa vie actuelle pour embarquer sur le Sea Sheperd pour agir pour la protection du vivant. Grâce à des initiatives telles que la Ronce, le militantisme semble plus accessible, paraît pouvoir se faire par des petites actions du quotidien, par un plus grand nombre de personnes, tout en visant directement les grands lobbies – à la différence du zéro déchet, par exemple. Mener des actions discrètes, concrètes, sans organisation particulière par rapport à celle nécessaire pour une manifestation, donne l’impression que le militantisme s’ouvre au plus grand nombre. Il y a aussi un côté rassurant, qui fait qu’un nombre plus grand de personnes s’adonne à ce nouveau militantisme : pas de risques de violences policières, de blessures et de coups, ou de fouilles intempestives. Dans un contexte où les bavures policières sont de plus en plus récurrentes et violentes, et où l’on n’aura bientôt plus le droit de les dénoncer, agir chacun·e de son côté, mais en répondant à un appel collectif, permet de contrer ces représailles de plus en plus présentes.

Militantisme 2.0

Ainsi, il n’y a pas les « vrai·es » manifestant·es – celles et ceux qui scandent leurs slogans haut et fort en manifestations, et les autres. Parler de ses convictions de manière argumentée, s’opposer à certaines injustices, et rassembler des personnes qui vivent la même chose ; tout cela peut également se faire sur internet. C’est même primordial en temps de confinement. Le militantisme 2.0 n’est pas moins impactant que le reste. Il devient le lieu où s’élèvent réflexions et contestations, où la possibilité de discussion et de prise de conscience, de déconstruction de certains mécanismes se fait de manière différente qu’en manifestation. Car si l’on va marcher dans la rue, c’est que l’on se sent déjà concerné·es d’une manière ou d’une autre, par les revendications pour lesquelles on marche. Sur internet c’est différent, on peut arriver sur une page, un blog, un article, découvrir des nouvelles pensées, se sensibiliser à de nouveaux combats, comprendre des revendications, devenir un·e allié·e et rallier la cause. On comprend la parole des concerné·es, on rassemble les personnes qui vivent du racisme ou du sexisme, des discriminations systémiques. Militer sur internet n’est pas « que » dans un monde à part, qui n’aurait pas d’impact sur les actions de notre quotidien. 

Le militantisme de tous les jours 

Souvent, on milite sans vraiment le nommer comme tel, dans notre vie de tous les jours.  On déconstruit certaines idées, on refuse de rigoler aux blagues sexistes de notre patron, on explique le terme d’intersectionnalité à notre partenaire,  on refuse de manger de la viande pour des causes animales, et/ou écologiques, on discute de notre vœu de ne pas avoir d’enfants avec sa famille ; toutes ces discussions distillent des idées, montrent nos opinions quant à des questions qui ont des enjeux sociaux, environnementaux et donc politiques. Ainsi, le militantisme de tous les jours peut être celui qui consiste à se rendre compte que certaines personnes vivent les mêmes discriminations que nous, ce n’est donc pas de notre faute. Militer revient à prendre conscience de certains enjeux, certaines discriminations qui résultent de la société actuelle, et à les contester, même de la plus petite manière qui soit. Pas besoin de se coller l’étiquette de « militant·e » si ce terme paraît trop fort, mais contester l’ordre établi et prendre conscience de mécanismes font que nous sortons d’une certaine passivité. Notre quotidien, notre déconstruction et éveil deviennent politiques.