Pourquoi il faut arrêter les gender reveal parties

Pourquoi il faut arrêter les gender reveal parties

Les gender reveal parties, que l’on peut traduire par « fête pour connaître le sexe de son enfant », connaissent une notoriété grandissante depuis quelques années. Lancée pour la première fois en 2008 par Jenn Myers Karvunidis, cet évènement est devenu célèbre malgré elle. En effet, avant d’aller chez sa gynécologue pour connaître le sexe de son enfant, elle décide de cuisiner deux gâteaux ; un à l’intérieur rose, l’autre à l’intérieur bleu. Le gynécologue n’a pas le droit de lui annoncer le sexe de l’enfant, il  doit mettre l’information dans une enveloppe,  qui sera donnée à la sœur de l’intéressée. Ainsi, c’est elle qui amènera un des deux gâteaux, pour que Jenn, lorsqu’elle le découpera devant l’assemblée familiale qui se tient devant elle, découvre en même temps que tout le monde qu’elle attend une fille. Une telle fête semble à première vue innocente. Pourtant, l’engouement est tel que de nombreux accidents sont arrivés. Mais c’est sur le plan sociétal que cet empressement à découvrir le sexe de son enfant est le plus néfaste. 

Le genre avant le sexe  

On ne compte plus le nombre de vidéos où l’on voit un ballon percé déverser ses confettis roses ou bleus sur la tête du couple, ou bien que l’explosion d’un quelconque objet qui envoie une fumée colorée en l’air signifie que c’est une fille ou un garçon qui va arriver. Tout en stéréotypes et en clichés de genre, le rose c’est la douceur, les robes, les cheveux longs et la maison de poupées qui sont en route. Le bleu, c’est la promesse d’un avenir flamboyant et actif, des ballons de foot et de l’hyperactivité d’un petit garçon, car « boys will be boys ». S’il y a bien une chose que ces fêtes renforcent, c’est la dichotomie entre fille et garçon, c’est la croyance que le sexe biologique détermine le genre – qui rappelons-le, est une construction sociale. Ainsi, fille ou garçon, tout est binaire, il n’y pas d’entre-deux possible avec ces célébrations ; pas de personnes non-binaires, pas de personne gender-fluide, de personnes transgenres ou qui ne souhaitent tout simplement pas se définir en fonction d’un genre. Célébrer le sexe de son enfant, avant même qu’il naisse, c’est lui apposer une étiquette (encore une), avant même qu’il puisse parler, marcher, et tout simplement exister. Inviter tous·tes ses proches, ses ami·es pour célébrer le moment où l’on découvre le sexe de son enfant, cristallise la pression que se mettent certains couples dans leurs envies et désirs d’avoir un enfant de tel sexe. Parfois c’est la joie intense d’un parent qui explose sur les nombreuses vidéos, tandis que d’autres montrent la mère ou le père en larmes. La famille, elle, applaudit toujours en arrière-plan. Fêter ce moment de révélation montre que les stéréotypes de genre l’emportent sur la considération première que l’enfant à naître est tout simplement un être humain, qu’importe son sexe. 

Emily Ratajkowski et sa réflexion sur sa grossesse 

« Quand avec mon mari, on annonce à mes ami·es que je suis enceinte, leur première question après ‘Félicitations’ c’est presque toujours : ‘Est-ce que vous savez ce que vous voulez ?’. On aime répondre que nous ne connaîtrons pas le genre de notre enfant jusqu’à ce qu’il ait 18 ans, car c’est à ce moment qu’il nous l’annoncera lui-même[1]

Voilà ce qu’écrit la fameuse mannequin, Emily Ratajkowski, lors de l’annonce de sa grossesse, dans un court essai pour Vogue, du 26 octobre. Et s’il y a bien un interview à lire cette semaine, c’est celui-ci (https://www.vogue.com/article/emily-ratajkowski-pregnant-announcement-digital-cover- ). C’est encourageant de voir une personnalité avec une telle notoriété partager ses réflexions sur le genre ; le fait que c’est une construction sociale plus qu’une vérité biologique, sur son corps et sa grossesse. Non seulement le genre de l’enfant impacte les stéréotypes qu’on lui appose avant même qu’il naisse, mais il conditionne aussi les idées préconçues sur la grossesse de la mannequin.  Si c’est un garçon, il sera plus bas dans le ventre qu’une fille ;  une envie fulgurante de manger des sucreries et c’est la certitude qu’elle attend une fille ;  avoir un petit garçon procurerait plus de libido qu’une petite fille ; son maquilleur a même été lui dire qu’avoir une petite fille fait disparaître la beauté de la mère. Ainsi, pas de gender reveal party pour le couple. Ce n’est pas important de savoir « quoi » est en train de grandir en elle, mais bien « qui ». La nuance est subtile, mais la différence dans l’éducation est incommensurable. 


[1] Ratajwoski Emily, Vogue, [en ligne]  : « When my husband and I tell friends that I’m pregnant, their first question after ‘Congratulations’ is almost always, ‘Do you know what you want?’ We like to respond that we won’t know the gender until our child is 18 and that they’ll let us know then. », 22/10/2020.