« J’ai envie que mes fils se sentent libres d’aimer ce qu’ils veulent, et je veux aussi qu’ils ne deviennent pas des agresseurs qui s’ignorent à l’âge adulte. »
NDLR : Tous les prénoms ont été changés et les histoires anonymisées.
Alice, 37 ans, deux garçons de 8 et 4 ans, récemment séparée du père, s’exprime sur son rapport à la parentalité féministe.
Au départ, « c’était facile, » explique Alice. Elle a commencé par éviter les expressions genrées telles que « c’est pour les filles » ou « c’est vraiment un garçon« , et son mari étant au foyer, ses enfants avaient une vision moins normative des rôles sociaux de genre. Néanmoins, avec le début de l’école, les choses se sont vite compliquées.
La difficulté est « de concilier [ses] convictions et le risque de moqueries par les autres enfants« . Alice a donc réservé les vêtements roses/mauves aux jours sans école. Une façon de permettre à ses enfants de s’exprimer tels qu’ils le souhaitaient tout en les protégeant. «
« Je [craignais] que mon fils n’ait pas l’aplomb nécessaire pour faire face à des remarques sur ses vêtements, son sac…«
Pour Alice, l’essentiel est de « préserver [ses] enfants des clichés de genres pour qu’ils soient libres d’être eux-mêmes » et de « leur apprendre à respecter les femmes parce qu’on respecte tout être humain« .
« C’est […] une lourde responsabilité […] d’éduquer les hommes de demain. »
Nathalie 41 ans, 3 filles de 12, 10 et 7 ans, mariée depuis 15 ans.
« C’est assez simple, elles font ce qu’elles veulent et on les incite à prendre de la place.
On les soutient.«
Néanmoins, comme pour Alice, la scolarisation a été un véritable rappel à l’ordre pour les enfants. Au bout d’un trimestre, l’une des filles de Nathalie qui jouait souvent avec des garçons ne joue plus qu’avec des filles, et elle revient de l’école en disant que le rose est pour les filles.
De même, les enfants reçoivent des cadeaux genrés, comme une palette de maquillage complète pour les six ans d’une des filles de Nathalie.
« Il n’y a pas qu’une seule façon d’être une princesse. Elles se baladent en déguisements de princesses mais elles portent une épée à la ceinture pour jouer aux jeux de rôles avec leur père. Ce sont des princesses guerrières. »
Le challenge est donc de remettre en question les propos extérieurs. Nathalie passe beaucoup par la lecture d’ouvrages jeunesse sur le féminisme, et propose à ses enfants un regard distancié sur les œuvres culturelles lambda. « On peut tout lire, mais il faut lire avec un regard critique« .
« On ne va pas se priver de 90% de la production culturelle actuelle parce qu’on est féministe. Alors on développe un regard critique. »
Pour Nathalie, c’est ça l’essentiel : développer un regard qui questionne, qui interroge les normes sociétales, y compris lorsque ça vient d’un adulte. « [Elles ont] le droit de ne pas être d’accord avec un adulte, surtout s’il tient des propos sexistes« . Il s’agit aussi de montrer à ses enfants qu’il n’existe pas qu’un seul modèle familial, qu’on peut sortir des principes hétéronormés. « Ma fille sait qu’elle peut épouser sa meilleure copine.«
Marion et son mari ont adopté un petit garçon de six ans il y a quelques mois.
Marion lui a offert des livres jeunesses afin de déconstruire les stéréotypes de genre. « Il a vite compris que tous les jouets lui étaient permis, qu’il n’y avait pas de jouet ni d’activités pour filles ou garçons« .
Le défi, comme toujours, c’est les autres. « On a dû affronter les remarques de personnes autour qui trouvaient que vraiment, une poussette pour un garçon, c’est bizarre! Mais il a tenu bon et il était très content de promener sa poupée dedans, très fier.«
« En tant que féministe, je m’étais beaucoup projetée dans l’éducation d’une petite fille, que j’aurais accompagné vers un empowerment. »
« Je ne savais pas trop comment m’y prendre pour transmettre mes valeurs féministes à un garçon. »
Louise, 34 ans, est la mère d’une fille de 10 ans, d’un garçon de 16 mois, ainsi que la belle-mère d’un garçon de 7 ans.
Avec son compagnon, ils sont sur la même longueur d’onde : préserver leurs enfants des stéréotypes de genre. « Ça passe par le choix des vêtements, des jouets et des produits culturels. […] J’ai toujours mélangé pour ma fille des fringues dites « de fille » ou « de garçon ». Pour les garçons, c’est plus compliqué dans la mesure où le fait de les affubler d’attributs « féminins » appellerait une sanction sociale plus forte. » Louise et son compagnon passent également par la lecture d’ouvrages jeunesse qui « contribuent à déconstruire les préjugés et idées reçues liées au genre et qui alimentent par ailleurs [leurs] discussions quotidiennes sur le sujet.«
Les hommes peuvent aussi être des parents féministes.
Laurent, 41 ans, est le père de trois enfants. Il est en couple avec un homme, et les enfants alternent une semaine avec les papas, une semaine avec les mamans.
« Dans tous mes actes, mes paroles au quotidien, […] je fais en sorte de ne faire aucune distinction entre les hommes et femmes. »
Mohammed, 31 ans, élève une fille de 3 ans dans le cadre d’un couple hétérosexuel. Pour lui, une éducation féministe, c’est avant tout une éducation où « les rôles du « papa » et de la « maman » ne sont plus définis, ni normés par le genre, et pourraient se confondre dans un rôle de parentalité commun et basé sur l’entraide symétrique des parents.«
« L’éducation dite féministe ne peut être efficace que si les deux parties du couple croient intrinsèquement à la légitimité, à la pertinence, et l’absolue nécessité des luttes féministes dans la société. »
En tant qu’homme, il est conscient de son privilège et se questionne en permanence afin de ne pas reproduire les schémas classiques. Pour Mohammed, tout passe par la discussion : il s’agit d’aborder tous les sujets librement de la nudité au corps en passant par les règles. L’idée est de banaliser ce type de conversations afin de ne « pas perpétuer des habitudes patriarcales quant à la perception des corps féminins et masculins dans la société ». Encore une fois, les difficultés viennent surtout d’autrui et des préjugés qu’ils portent.
Les parents recommandent
S’il n’est pas possible d’échapper aux normes patriarcales et notamment aux influences de l’entourage, on peut néanmoins armer ses enfants en ouvrant le dialogue et encourageant un regard critique. Voici quelques ouvrages recommandés par des parents féministes :
- Les dépliants « Pour que les petits garçons puissent être et aimer ce qu’ils veulent, sans qu’on les emmerde« de Maman Rodarde
- Je suis qui ? Je suis quoi ? de Jean-Michel Billioud et Sophie Nanteuil
- Dînette dans le tractopelle de Christos
- Tu seras un homme – féministe – mon fils ! d’Aurélia Blanc
Aux éditions La Ville Brûle :
- La ligue des super féministes de Mirion Malle
- Ni poupées ni super héros de Delphine Beauvois et Claire Cantais
- Les règles, quelle aventure d’Elise Thiébaut et Mirion Malle