Interview de Justine Courtot : La parole libre et libérée

Rencontre avec la pétillante Justine Courtot, créatrice de @sang.sations, le compte instagram qui continue jour après jour de libérer la parole de femmes à travers ses contenus.

Hello Justine, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?

Bien sûr ! J’ai 23 ans, je suis journaliste, chef de projet, créatrice de contenus et maman d’un petit garçon de 1 an.

Tu as réalisé au côté d’Angèle Marrey et Myriam Attia « 28 jours », le documentaire décomplexant sur les règles. Comment est né ce projet ?

Ce projet est né dans les salles de rédaction de Twenty Magazine. Myriam et moi avions reçu des livres sur le sujet (Sang Tabous de Camille Emmanuelle et Le Grand Mystère des règles de Jack Parker). On voulait faire un reportage sous forme de long article et puis en réfléchissant, on en a parlé avec Angèle et nous est venue l’idée de la vidéo, puis du documentaire, bien plus parlant pour notre génération qu’un papier de 15000 signes !

Tu es aussi la fondatrice du compte Instagram SANGSATIONS (qui compte plus de 28K). Tu partages à travers cette page des publications sans tabou autour des menstruations. Pourquoi cette « dévotion » pour ce sujet ?

SANGSATIONS est la suite de @28.jours qui a été supprimé par Instagram au mois de Juin. J’ai donc pris le parti de recréer une page instagram en continuant à publier exactement ce que je faisais sur le Instagram @28.jours. Je publie des posts éducatifs et pédagogiques que je rédige avec l’aide de mon gynécologue et de ma sage-femme en répondant aux questions que l’on me pose en message privé. Je m’étais rendue compte à la sortie du documentaire que les abonnés avaient besoin de réponses sur certains sujets (SPM, violence gynécologique, protections périodiques, contraceptions…), avaient aussi besoin d’être rassurés et surtout d’être écoutés sans aucun jugement.

Très esthétique, on y découvre de très belles illustrations d’artistes. Les règles y sont représentées de manière élégante et poétique. Penses-tu que les menstruations sont aujourd’hui libérées de leur image si tabou ?

Pas tout à fait, la preuve avec la polémique de la PUB Nana… on assiste à une cassure entre une partie de la population qui se pose des questions, évolue avec la société, ouverte d’esprit et une autre (que je ne blâme pas) qui reste ancrée dans ses croyances, ses mythes. J’espère sincèrement qu’un jour les règles deviendront un sujet comme un autre. Je fais très attention à l’esthétisme sur le compte, afin que ce soit plus facile de partager. Partager une jolie image avec un message fort c’est plus facile à envoyer, à partager qu’une photo moins jolie ! (Merci les réseaux sociaux !)

Justement en parlant de tabou, tu tiens un blog éponyme dans lequel tu partages avec tes lectrices et lecteurs des articles féministes. Quelles sont tes inspirations quand tu écris ?

Je lis énormément de livres (2/3 par semaine), des romans mais aussi des essais féministes, des BD ludiques pleines de revendications. J’essaye aussi d’utiliser des choses que j’ai vécues, cela peut être des choses banales mais avec un regard différent, des analyses.

Par exemple, j’ai été hôtesse pendant plusieurs années en parallèle de mes études et si on décide de se mettre des œillères, on ne voit rien de bien méchant, en revanche, si on fait attention, que l’on analyse le comportement des gens lorsqu’ils s’adressent à une hôtesse, si on se pose des questions du style : pourquoi je porte un uniforme avec une jupe et pas un pantalon ? Pourquoi des talons ? Pourquoi doit-on obligatoirement mettre du rouge à lèvres rouge ? Pourquoi je ne peux pas répondre aux attaques ? Pourquoi quand je dis à mon agence que j’ai été harcelée sexuellement, on ne m’envoie plus de mission ? Rien de tout ça n’est anodin.

Ma grossesse aussi m’a permis de me rendre compte de plein de choses, beaucoup de personnes manquent de bienveillance, d’éducation même face à une femme enceinte.

En vrai je ne me plains pas, je suis une nana très positive dans la vie !

On retrouve sur Tabous une longue liste de gynécologues à conseiller. Elle fait écho aux nombreux témoignages de patientes traumatisées par le comportement de leurs médecins, non ?

Oui exactement, 3-4 mois après la sortie du compte Instagram, j’ai commencé à recevoir des dizaines de messages de violences gynécologiques, ça m’a révolté, j’ai parfois eu les larmes aux yeux. Beaucoup de jeunes filles me donnaient les noms de ces médecins, mais impossible pour moi de faire quoi que ce soit, on aurait pu m’accuser de délation et ça n’aurait servi à rien. J’ai donc pris le problème à l’envers, j’ai demandé à toute ma communauté de me donner le nom de leur gynéco (bienveillant, respectable, juste un gynéco normal en soit…) et j’ai eu énormément de retours. Angèle (la chanteuse) qui me suit, m’a beaucoup aidée en partageant mes posts, j’ai eu des retours de ses fans pour des gynécologues en Belgique, en France, en Suisse, etc.

Selon toi, qu’est-ce qu’être une femme aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je crois que les femmes prennent conscience de leur force, de leur pouvoir, de ce qu’elles sont capables de faire, ou de ne pas faire, de dire. Je me considère comme une femme libre, libre de tout !

#MeToo, #NousToutes ou encore #UberCestOver, quel message gardes-tu de ces mouvements féministes ?

Ensemble, nous sommes plus fort.e.s ! Il faut se soutenir, se parler, ne pas avoir peur de dire les choses.

Un mot pour la fin ?

Rien à voir avec le féminisme, je pense à ça parce que je viens de finir un livre « My Absolute Darling » de Gabriel Tallent que j’ai adoré. Le personnage féminin est, je pense, un des plus beaux personnages de la littérature moderne, c’est brutal et extrêmement violent mais splendide !

Ma chronique sur ce livre

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