Deep Listening, accrochons-nous à nos écouteurs

Deep listening, accrochons-nous à nos écouteurs

Imaginé, théorisé puis mis en pratique dans les 70’s par Pauline Oliveros, le deep listening pour écoute profonde et attentive, est une pratique qui veut différencier l’entendu de l’écouté : se concentrer, réellement et entièrement sur un objet d’écoute – un disque, un titre, un live ou un podcast – pour en saisir toute la complexité et l’intensité. Et en ces temps de confinement, l’exercice vire à l’indispensable. 

Comme toute pratique existante, le deep listening a eu ses théoriciens. Ou plutôt, une théoricienne : Pauline Oliveros. Cette américaine, musicienne expérimentale et pionnière des musiques électroniques dès les années 50 de la scène de San Francisco, a créé ce terme et l’expérience qui va avec au tournant des années 70. Elle forma même, une décennie plus tard, le Deep Listening Band (avec Stuart Dempster et Panaiotis) et enregistra de nombreux disques qui influencèrent toute une scène électronique – leurs albums passant aisément du drone à l’acoustique. Disparue en 2014, elle fonda même un institut, le Deep Listening Institute pour promouvoir cette pratique. 

Créé en pleine tempête de révolution culturelle et sociale aux États Unis, trempé dans un bain de contre-culture, d’utopie et de philosophie new age, le deep listening est donc d’une pratique d’écoute attentive, active. Mais encore ? Cela signifie que l’on est engagé dans cette écoute : on est partie prenante de l’objet sous nos oreilles. Il ne s’agit plus d’appuyer sur play et de faire autre chose dans le même temps, non : le deep listening requiert de se concentrer mentalement et physiquement. On appuie sur play, et on ignore tout le reste autour. 

Alors, en ces temps de confinement où l’on a jamais été autant sollicité par nos smartphones et ordinateurs portables, un écart loin des notifications et des conf-calls pourrait s’avérer bénéfique. C’est aussi une façon de souffler : l’écoute attentive peut s’apparenter à une forme de méditation, de relaxation. Sans aller jusqu’à improviser une séance d’auto-analyse et de réflexion sur soi, cette écoute attentive peut servir de respiration. Une pause dans notre agitation numérique incessante ou nos quotidiens autrefois bien remplis mais aussi un réel moment de découverte : prendre le temps, avec la dose de patience que cela requiert, d’écouter une œuvre. 

Traditionnellement, le deep listening est associé à des œuvres musicales électro-acoustiques, (mélangeant des productions électroniques et des instruments classiques), des pièces expérimentales ou de field recording (l’enregistrement de sons de la nature – un chant d’oiseau, le souffle du vent, le bruit d’une forêt). Des œuvres douces, relaxantes, ambiant, qui offrent un lit mélodique propre à la relaxation, la rêverie même, sans nous brusquer. 

Mais rien n’empêche de tenter l’expérience avec d’autres objets – un album de jazz, par exemple. Écouter tous les éléments attentivement, isoler mentalement chaque instrument puis les réarranger dans un ensemble. Suivre les mélodies, les variations tonales, les pulsations des cuivres, les snares ouatés d’une batterie. Le bondissement des doigts sur une contrebasse, le souffle dans une trompette, les touches claquées sur un saxophone ou un piano : une telle écoute permet de ressentir le disque, les musiciens, leurs instruments ou machines. 

Et de découvrir peut être, derrière un titre que l’on adore ou un disque favori, de nouvelles choses : il y a des œuvres qui se révèlent différemment écoute après écoute, qui se dévoilent peu à peu à nous, même si on a l’impression de les connaître par cœur. Maintenant que l’on a le temps, on ne va pas s’en priver.