Crise du coronavirus et érosion de la biodiversité, quels liens ?

La biodiversité est au cœur de l’actualité liée au coronavirus. Un point d’étape semble nécessaire.

Une maladie d’origine animale

         Déforestation, changement climatique, commerce de faune sauvage, consommation de viande de brousse, éco-tourisme sont tous des phénomènes en en lien avec la question de la biodiversité. Et tous sont de potentiels facteurs de zoonoses, selon le rapport de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) commandé par les pouvoirs publics français. Les zoonoses, pour rappel, sont des maladies infectieuses transmises par des animaux vertébrés aux êtres humains. Chauves-souris et pangolins ont été visés ces derniers mois. Le rapport de la fondation précise néanmoins que « l’espèce hôte d’origine et les modalités de la transmission du virus responsable de la pandémie ne sont pas encore précisément connues ».

         Si la communauté scientifique essaie de trouver les réponses à ces questions, elle ne met pas en cause la responsabilité des animaux, mais celle des êtres humains et de leurs rapports à la nature. Les « marchés humides », et notamment ceux de Wuhan, dans lesquels sont enfermé et tués des animaux, sauvages ou domestiques, dans des conditions insalubres et cruelles, ont été pointés du doigt. Ils auraient été la source de l’épidémie. Hypothèse que réfute l’Institut de virologie de Wuhan.

         Cette question des zoonoses est fondamentale car elle interroge le développement des sociétés contemporaines. Celles-ci polluent, surconsomment, s’accaparent des espaces naturels pour les transformer, faisant fi dès lors des espèces animales et végétales qui s’y développent. L’érosion de la biodiversité par l’activité humaine conduit à la sixième extinction de masse des espèces, comme le montrait un rapport de l’Organisation des Nations Unies datant de mai 2019. Suivent également des pandémies : Ebola, Zika, SRAS, H1N1, aujourd’hui Covid-19…

Graphique relatif au Covid-19, © ONU.

Une nature qui reprend ses droits ?

         Le confinement de plusieurs milliards d’êtres humains dans le monde a permis à la nature de reconquérir des espaces. Méduse à Venise, renards à Paris, léopards à Islamabad, puma à Santiago, sangliers à Barcelone, roquettes de mers à Ostende sont des exemples qui montrent que, sans présence humaine, la nature se développe, s’aventure et se déploie. La marche à suivre est clairement définie. Les êtres humains devront revoir leurs habitudes en profondeur pour permettre à la biodiversité de se reconstruire.

         Tout reste fragile toutefois. Avec le déconfinement de millions d’individus, le risque de porter atteinte à cette biodiversité est grand. La plus grande prudence lors des déplacements et promenades a été demandée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et l’Office national des forêts (ONF) comme le montrent leurs communiqués datés des 8 et 11 mai.

         Si le confinement a eu des effets bénéfiques et passagers sur l’environnement en matière de biodiversité et de qualité de l’air, il en a eu de néfastes aussi. En France par exemple, les déchets ont été moins triés et le plastique fortement utilisé, participant de facto à pollution des sols et des eaux et à la mort de nombreux animaux. Cette triste réalité nous rappelle que les défis environnementaux restent inchangés.

Un panel de propositions qui attend d’être traduit en actes

         Face à ces grands défis, des propositions ont été formulées par des scientifiques, associations, citoyens. La Fondation pour la recherche sur la biodiversité a émis des recommandations dans son rapport pour prévenir des risques de zoonoses : dressement de cartes signalant les zones à risques, sensibilisation de la population, développement d’aires protégées figurent parmi les propositions présentées aux ministères concernés par le sujet. Le développement de l’agro-écologie et des circuits-courts font partie des idées prioritaires retenues lors de consultation citoyenne lancée par WWF France, le groupe SOS et la Croix-Rouge pour inventer le monde d’après.

         Mais ces propositions doivent se traduire en actes. Le 20 mai dernier, la Commission européenne a lancé deux stratégies ambitieuses (l’une sur la biodiversité, l’autre sur l’alimentation) et reprennent beaucoup de ces  demandes. Parmi les mesures les plus notables se trouvent en effet la « transformation de 30% au moins des terres et des mers européennes en zones protégées » ou encore « le développement de l’agriculture biologique, à hauteur de 25% de la superficie agricole totale ».

         Ces propositions seront-elles suivies au niveau international ? Le One Planet Summit sur la biodiversité, annoncé par le Président de la République sur Twitter, sera l’occasion d’en discuter. Cet événement se tiendra en marge du Congrès mondial de la nature prévue en janvier 2021 à Marseille.

         « Pour atténuer les dérèglements climatiques, garantir la sécurité alimentaire et en eau, voire prévenir les pandémies, il est essentiel de préserver la biodiversité et de la gérer de manière durable. » a écrit António Guterres, le secrétaire général des Nations-Unies dans un communiqué en date du 19 mai.  Les récents incendies survenus en Amazonie et en Australie ont sonné comme des avertissements de la nature. La crise du coronavirus, nouvelle manifestation de la crise de la biodiversité, on l’espère, sonnera comme l’ultime alerte.