Camille, 31 ans, éducatrice spécialisée en réduction des risques et des dommages (sexe, drogues , prostitution), en activité pendant le confinement.

Seuls ensemble – interview d’un.e confiné.e #2 : Camille, éducatrice spécialisée en activité pendant le confinement

Chaque jour, ,Beweird vous propose le regard d’un.e confiné.e sur cette situation exceptionnelle.

Camille, 31 ans, éducatrice spécialisée en réduction des risques et des dommages (sexe, drogues, prostitution), en activité pendant le confinement.

“Les gens parlent souvent de la nécessité de l’hygiène durant cette épidémie, mais qu’est ce que vous voulez faire quand en face de vous, une personne de la rue avec un passé psychiatrique est persuadée que la “saleté” qu’il a sur lui est la “couche” qui l’empêche d’être malade ?!”

Ton moral ?

Pas au top, beaucoup d’inquiétude pour les personnes que nous accompagnons du fait de l’hygiène, du manque de moyens, de leurs besoins (traitements de substitution, différentes drogues, matériel stérile nécessaire impossible à trouver etc…) et inquiète pour les collègues (éducateurs en contact, infirmiers, médecins et psychologues au contact) et les risques pris.

Ta routine quotidienne ?

9h : réunion équipe, on remplit 3 grands thermos de café et on remplit nos sacs avec les différents matériels de réductions des risques et des dommages : seringues, roule ta paille, garrots, tampons alcool, pipe à crack, stérifiltre, préservatifs, lingettes intimes etc…

Ensuite on part en maraude. Certains sont en voiture sur les alentours de la villes, les autres à pied. On a chacun un portable par équipe car les gens de la rue ou en appartement peuvent nous appeler pour qu’on leur amène du matériel qu’ils viennent normalement chercher au centre. 

12h30 : on se retrouve pour faire le point sur les nouvelles (dons de matériel, état des usagers, personnes à voir dans les prochains jours, inquiétudes problématiques…). On recharge les sacs et on recommence les maraudes a domicile , en squat , en rue ou en trottoirs pour les travailleurs du sexe qui continuent. 

17H45 : on se retrouve à nouveau pour faire le point en équipe et surtout voir le moral des troupes et le planning des équipes du lendemain. 

T’a-t-on fourni le nécessaire pour te protéger au travail ? 

Oui, mais nous avions déjà tout le nécessaire ainsi que les protocoles car la réduction des risques et des épidémies (SIDA, Hépatites, Infections Sexuellement Transmissibles) est un des piliers de notre travail. 

Comment accompagnes-tu les personnes avec qui tu travailles face à cette crise ? 

  • Tout d’abord les rassurer sur les dispositifs disponibles niveau sanitaires (douches publiques, toilettes publiques) et distribution d’échantillons de Solution Hydro-Alcoolique. Leur parler de la nécessité de se laver les mains régulièrement. Leur amener des savons individuels, des gants jetables des bouteilles d’eau et du papiers toilettes. Leurs apporter des gobelets malheureusement jetables mais pour leur éviter aussi de se partager les verres. Parler ou rassurer autour de la pathologie de certains (paranoïa aiguë, schizophrénie). 
  • Leur assurer un service minimum autour de l’accueil de leur traitement de substitution pour certains (méthadone, subutex, buprénorphine, traitement hépatique ou HIV) avec un accueil un par un dans une tente avec un médecin et/ou un infirmier qui réajuste si besoin le traitement.
  • Leurs amener aussi du café pour se réchauffer vu que les lieux d’accueils sont fermés. 
  • Distribuer du matériel RDRD (Réduction Des Risques et des Dommages) pour continuer nos missions autour de leurs consommations de produits tout en les empêchant de réutiliser du matériel usagers par manque d’accessibilité. 
  • Leur amener du tabac pour certains, des vêtements lavés pour d’autres, faire passer des messages entre eux pour les rassurer. 

Comment préserves-tu ta vie sociale ? Comment gardes-tu contact avec tes proches ?

J’appelle mes proches tous les jours déjà pour les rassurer mais aussi pour prendre des nouvelles. Je me rends compte qu’on a au final peu de nouvelles de ce qu’il se passe en étant dans l’action. 

Ma vie sociale sont actuellement mes collègues puisque la majeure partie de mon temps est avec eux . 

Ce qui te manque le plus ?

Pouvoir me détendre après la journée, pouvoir offrir professionnellement un meilleur accompagnement autour de la Réduction Des Risques et des Dommages et surtout pouvoir leur donner une meilleure visibilité. Puisqu’ils sont dans la rue ils sont les premiers touchés par la précarité des moyens de soins autour de l’épidémie.

La première chose que tu vas faire quand la confinement sera fini

Dormir beaucoup je pense, voir les copains, la famille et partir quelques jours m’isoler au soleil étonnamment. 

Dans ton frigo, qu’est-ce qu’il y a, là ?

Beaucoup de plats déjà préparés car je suis très fatiguée, de l’eau, quelques bières et des pâtes. 

Si vous aussi vous souhaitez raconter la manière dont vous vivez le confinement, écrivez-nous à elodie@beweird.fr !