Ruth Bader Ginsburg : la disparition qui plonge dans l’incertitude

Ce 18 septembre 2020 marque le jour de Rosh Hashanah, c’est à dire le jour de la nouvelle année juive. Il marque aussi la mort de la grande Ruth Bader Ginsburg, Juge à la Cour suprême des États-Unis. Dans une Amérique au contexte de crise sanitaire, où les luttes sociales sont réprimées avec force et où les élections présidentielles se profilent dans un contexte de tensions, le décès de cette fervente défenseuse des droits des minorités résonne comme une mauvaise augure pour le futur proche. Pourtant, dans la tradition juive, mourir le jour de la nouvelle année est un symbole de reconnaissance et de grandeur. Qui était donc Ruth Bader Ginsburg, bien connue sous le surnom humoristique de Notorious RBG ? 

Ennemie de Trump 

Ruth Bader Ginsburg, née Joan Ruth Bader le 15 mars 1933 à Brooklyn, est la deuxième femme à avoir été promue juge à la Cour suprême des Etats-Unis, après Sandra Day’O Connor.  C’est le 42e Président, Bill Clinton qui la nomme en 1993. Avocate, juriste et juge américaine, membre de la Cour suprême, rien ne la prédestinait à un tel avenir radieux. C’est sa mère qui l’encourage à continuer ses études après ses années à la James Madison High School de Brooklyn, alors que son genre la conditionnait à une autre vie. Elle continue ses études à l’université Cornell à  Ithaca dont elle ressort diplômée en 1954. La même année elle épouse son mari, Martin Ginsburg, qui fera campagne pour elle dans les années 1990 afin qu’elle soit choisie par Bill Clinton pour siéger à la Cour suprême. Les deux décident de poursuivre leurs études et vont à la faculté de droit d’Harvard où Ruth Bader Ginsburg est une des neuf étudiantes du cursus. C’est en 1959, à la Columbia Law School que la jeune femme brillante obtient son doctorat de droit. 

Sa motivation à se battre pour les droits des femmes et des minorités se nourrit de sa propre expérience durant ses études. Dans les années 1950 un de ses professeur voulait échanger les résultats d’un examen contre des faveurs sexuelles. Ainsi, en 1970 elle co-fonde le Women’s Rights Law Reporter, premier journal américain qui se centre exclusivement sur les droits des femmes. Et en 1972 elle co-fonde l’association du nom de  Women’s Rights Project qui défend les cas de discriminations sexistes. Sur les six cas défendus par Ruth devant la Cour suprême entre 1973 et 1976, elle ne connaît qu’une seule défaite. 

©Irving Penn, Vogue, 1994 

Avant 2013, la juge n’était pas une figure emblématique de la pop culture, au point d’en devenir un meme et de se retrouver sur des tasses, des t-shirts ou encore des affiches.À ce moment-là, elle a déjà 80 ans. La raison de cette notoriété soudaine ? En juin de la même année, elle s’oppose à la décision de la Cour suprême de supprimer une partie du Voting Rights Act qui est une loi qui assure le vote des minorités ethniques aux élections américaines. Sa détermination farouche et ses convictions progressistes se retrouvent dans le fait qu’elle s’oppose cinq fois aux sentences de la Cour suprême durant la saison 2012-2013 ; chose assez rare pour être souligné. Ses combats contre les discriminations et pour l’égalité des sexes ne se traduisent pas comme étant une simple défense des droits des femmes, mais comme une défense « pour le principe constitutionnel de l’égalité citoyenne entre les hommes et les femmes » comme elle le rappelait. C’est en 2016 qu’elle devient l’ennemie de Trump, oubliant son devoir de neutralité en prononçant ces quelques mots lors qu’une interview au New York Times : 

« Je ne peux pas imaginer ce que serait ce pays avec Donald Trump pour président. Il n’est pas cohérent. Il dit tout ce qui lui passe par la tête. Il a un certain égo. »

Une disparition qui ébranle tout

Ainsi, sa mort devient une grande perte pour les pensées progressistes mais surtout, elle exacerbe les tensions des présidentielles, puisque la Cour suprême représente la plus haute instance juridique du pays. Cette dernière a pour mission de trancher en dernier recours, pour ou contre, des décisions prises au sein d’un des cinquante États du pays ou par l’État fédéral. Aujourd’hui sur les neuf magistrats fédéraux, cinq ont été nommés par des présidents républicains et quatre par des démocrates. La mort de Ruth Bader Ginsburg laisse un siège vide et change la donne quant au gouvernement à venir. À un mois et demi des élections, la question n’est plus de savoir qui sera le prochain président mais qui va être la personne à nommer le·la prochain·e juge ? Les juges étant nommé·es à vie, c’est la politique du président qui les élit qui reste, même lorsqu’il n’est plus à la tête des États-Unis. Aujourd’hui, la gauche est consternée tandis que la droite exulte. Et il est plus que nécessaire de regarder le discours d’Alexandria Ocasion-Cortez sur Instagram (https://www.instagram.com/p/CFTXq9BHi2r/ )  qui appelle la jeunesse à se battre contre la politique de Trump. Le décès de Ruth Bader Ginsburg ne doit pas signer notre résignation mais au contraire, marquer le début d’une révolte toujours plus féministe. 

Pour découvrir toujours plus cette grande personnalité, il ne faut pas hésiter à regarder le documentaire « RBG » de Betsy West (2018). 

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