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La mort du chef Taku Sekine ne doit pas dissuader les victimes de parler

Le 29 septembre dernier, nous avons eu le regret d’apprendre avec peine le suicide du chef Taku Sekine à 39 ans. C’est sa femme, Sarah Berger, qui a annoncé la triste nouvelle sur Instagram. Elle explique notamment qu’il aurait mis fin à ses jours « emporté par une grave dépression consécutive à sa mise en cause publique ». 

Depuis le début de l’été, la rumeur monte quant à une possible enquête réalisée par Nora Bouassouni pour Médiapart sur les violences sexuelles dans les cuisines de grands chefs. Après le #Metoo dans de nombreux domaines, il semblerait que c’était au tour de la cuisine gastronomique de connaître une remise en question avec une possible libération de la parole quant aux violences en cuisine. Aucun chef n’avait été pointé du doigt explicitement par Médiapart, qui avant de publier une enquête, confronte les auteurs présumés pour qu’ils puissent s’expliquer, se défendre. Ce n’est pas une chasse à l’homme comme certaines personnes ont pu le dire. C’est une étape cruciale, et c’est à cause de cette impossibilité aujourd’hui, qu’ils refusent de publier l’enquête. Le nom de Taku Sekine est donc paru, mi-aout, dans Atabula, un média spécialisé sur le monde de la gastronomie et  lu par énormément de professionnel·les. Une dizaine de femmes aurait témoigné, en coulisses, être victimes de violences de la part du chef. Pourtant, aucune plainte n’a été déposée. Et c’est justement ça que Sarah Berger pointe du doigt. 

Le suicide du chef  du Cheval d’Or ranime les braises d’un feu déjà mal éteint : le problème de la croyance de la parole des victimes, et cette présomption d’innocence scandée à tout va. Bien évidemment, sans verdict de la justice, il ne s’agit pas de faire justice à travers les réseaux sociaux. Mais lorsque l’on sait que les femmes représentent 96% des victimes de viol et de tentatives de viol, que seules 10% portent plainte, et que là-dessus, seuls 3%[1] des viols débouchent sur des procès, clamer la présomption d’innocence permet de faire taire la parole des victimes et renforce le stéréotype que les femmes sont des menteuses. L’affaire Taku Sekine met en exergue le grave dysfonctionnement de notre traitement des violences sexuelles. Mais surtout, elle ne doit pas être un argument de plus pour faire taire la parole de celles, et ceux, qui osent parler.


[1] Chiffres de Les Inrocks, « Les chiffres effarants d’agressions sexuelles et de viols en France » / Le Monde, « Les violences sexuelles touchent plusieurs millions de femmes en France » / Le Groupe, « Paye ta plainte. 500 femmes racontent leur accueil en gendarmerie ou commissariat.