Ils nous font danser toute l’année, de jour ou de nuit, en open-air comme en after : les collectifs portent une énergie, un sens de la fête, une vision du partage et de la musique qui, comme tout le reste, est brutalement mise à l’arrêt depuis plus de 8 mois. On a pris des nouvelles.
« Nous sommes des optimistes dubitatifs. » « C’est assez compliqué. » « Galère. » « Vide profond. » On pourrait continuer ainsi longtemps cette litanie, qui oscille entre fatalité et ce n’est pas un scoop : la situation pour la culture, les musiques électroniques et les musiques électroniques indépendantes est, au bas mot, difficile. Difficile de se remémorer ces temps plus heureux où, insouciant·e·s et libres, l’on pouvait sans trop de crainte se coller à des inconnu·e·s. Ces temps où, à l’appel de collectifs, on se regroupait dans une joie et jusqu’à une transe commune.
Les collectifs. Ces presque-nouvelles entités, devenues actrices de nos nuits à l’issue d’une poussée pour une fête plus libre, inclusive et diverse, loin des carcans des clubs et de leurs contraintes dépassées. C’était il y a bientôt 10 ans. Aujourd’hui, le simple terme de collectif suffit à ouvrir instantanément la boite à souvenirs et avec, tout un imaginaire festif. Un langage commun s’est établi autour de ces entités qui, pourtant, n’ont en commun que le nom. D’aucun sont tournés vers des musiques extrêmes, d’autres vers les paillettes. D’autres encore investissent des lieux secrets, d’autres sont retournés en club.
Ils sont, à l’instar des lieux où ils convient leurs publics, des balises. Des phares dans la nuit. Rien d’étonnant à ce que l’on prenne de leurs nouvelles.
Comment ça va, déjà ?
Pisica : Ça va super ! La période est un peu compliquée, mais comme disaient les philosophes stoïciens, il ne faut pas se lamenter pour des choses sur lesquelles on ne peut pas avoir d’influence. Du coup on en profite pour faire d’autres trucs, finir nos études par exemple.
Hors-Sol : Toute l’équipe se porte plutôt bien pour l’instant. Mais notre public nous manque. La communion physique et la légèreté des moments humains que nous partagions collectivement lors de nos fêtes, nous manquent viscéralement.
On ne va pas refaire le film de l’année, on imagine qu’elle a été éprouvante. Au premier confinement, vous étiez dans quel état d’esprit vis-à-vis de la crise ?
Pisica : Au premier confinement, ça n’allait pas fort. On s’était déjà pris les grèves qui nous avaient mis pas mal en galère, et on a dû annuler notre anniversaire des 3 ans. On pensait néanmoins que c’était vraiment passager, on n’avait pas prévu que cela dure aussi longtemps.
Hors-Sol : Celui d’un sentiment de vide profond. L’amour, le partage de la musique, et la communion sociale qu’elle crée est ce qui nous anime principalement. Ensuite, une réflexion enrichissante qui nous a permis de prendre du recul et de remettre du sens sur la façon dont nous voulions développer ce projet, d’un point de vue créatif, artistique et humain.
L’été a été une petite parenthèse. Est-ce que vous en avez profité pour tout lâcher, ou faire différemment ?
Pisica : Pour cet été, on ne voulait rien faire et attendre septembre pour que la situation se stabilise. On connaît la suite ! On a finalement choisi de profiter de la fin de l’état d’urgence sanitaire le 11 juillet pour organiser une petite sauterie avec Traumer le 18. On n’a rien fait de différent de nos habitudes, parce qu’on ne sait rien faire d’autres et que c’est comme ça que l’on aime nos soirées. On est super contents parce que l’événement a super bien marché, je pense que les gens avaient vraiment super envie de sortir.
Hors-Sol : Nous avons privilégié quelques bookings et avons eu une approche volontairement mesurée en termes de production concernant nos fêtes, puisque le cadre légal et sanitaire s’avérait assez délicat à appréhender.
Nous en sommes au second confinement : où est-ce que vous vous situez en tant que collectif et DJs dans ce monde sans fête ni culture ?
Pisica : Dans un monde sans fête ni culture, en tant que collectif, on ne se situe à peu près nulle part vu qu’il y a aucun espace qui nous est donné. Par contre, on en profite pour sortir notre deuxième vinyle, on a encore le droit d’écouter de la musique tout seul chez soi. En tant que DJ, c’est un peu mieux même si ce n’est pas la folie, on continue à mixer chez nous, sur des livestream ou avec des potes dans des petites soirées. On attend bien-sûr avec impatience de pouvoir redémarrer !
Hors-Sol : Nous sommes des optimistes dubitatifs. Optimistes, car nous avions confiance quant au fait que la situation sanitaire s’améliore, et que des femmes et des hommes auront ensuite la passion et l’énergie pour donner à nouveau corps à la culture des musiques électroniques et à la fête, le tout dans un cadre sanitaire qui ne mette en danger personne. Dubitatifs, car cette épreuve démontre que notre écosystème est fragile, car toujours considéré à tort par certains, comme le réceptacle d’une culture de seconde zone, voire de quelque chose qui ne serait pas du tout culturel.
Chez Pisica, vous aviez un événement prévu au début du mois de septembre, annulé malheureusement. Comment on essaye de rebondir, après ça ?
Pisica : C’est assez compliqué, vu qu’il n’y a aucune option pour refaire des événements à court terme. Néanmoins, les gens ont été super cool et compréhensifs, que ça soit au niveau des prestataires, des artistes ou du public, la majorité se sont montrés compréhensifs, aidants et attendent notre prochain événement.
Du côté de Hors-Sol, vous avez lancé votre projet Outrebleu, est-ce que vous pouvez m’en dire plus ?
Hors-Sol : Outrebleu, c’est un side-project encore confidentiel en réflexion depuis bientôt un an, dédié aux musiques ambient, IDM, et deep-techno pour son versant le plus club. C’est un projet qui porte l’ADN et les valeurs du collectif, mais par lequel nous souhaitons proposer une expérience musicale plus introspective, élévatrice, et parfois méditative. Nous souhaitons créer occasionnellement, des voyages s’apparentant à des bulles d’émotion et d’évasion, dans lesquels les arts numériques et visuels joueront par ailleurs un rôle central. Pour l’instant, et d’ici à ce que les rassemblements soient à nouveau possibles, l’univers musical Outrebleu se distille au sein d’une émission occasionnelle sur Rinse France. On est d’ailleurs très reconnaissant à l’égard de Rinse pour ce soutien concernant notre projet.
Tout est flou, mais quand même : la suite pour Pisica, c’est quoi ? Est-ce que vous avez de nouveaux projets ?
Pisica : À court terme, on aimerait bien sûr refaire des événements et poursuivre notre série de vinyles. À un peu plus long terme (mais peut-être pas tant que ça), on ambitionne d’ouvrir un bar avec pour thème les chats : le Pisibar. Un festival est aussi dans nos petits papiers, mais ça, c’est encore une autre histoire…
Hors-Sol : Pour l’instant, continuer à proposer de nouveaux podcasts sur notre chaîne Soundcloud. Le prochain devrait normalement sortir d’ici la fin de l’année sur le média Delayed, basé à Brooklyn. Pour le début d’année 2021, nous travaillons sur des évènements dans la lignée du projet Outrebleu, qui permettront à notre public de se retrouver si les conditions et règles sanitaires le permettent, dans des formats concert-live et de déambulation. Nous préparons également la saison des open-air pour renouer dès que cela sera possible, avec les grandes fêtes HORS-SOL qui constituent notre ADN. Nous espérons notamment être en mesure de proposer une grande fête sur deux jours entiers.