Corps féminins et hypersexualisation

Corps féminins et hypersexualisation

« On ne naît pas femme, on le devient ». Phrase emblématique écrite par la philosophe Simone de Beauvoir en 1949, elle résonne encore dans les pensées des féminismes contemporains. Mais à quel moment le sait-on qu’on n’est plus une jeune fille mais qu’on est devenue une femme justement ? À nos yeux, mais aux yeux des autres surtout. Est-ce le regard lubrique de ces hommes que l’on peut croiser dans la rue, sur nos jambes de pré-ados, nos décolletées à peine formés, nos hanches à peines visibles qui nous font tomber de l’autre côté de l’adolescence ? Ou alors, sont-ce les remarques de la famille sur ces robes trop courtes pour les repas de famille et ces palettes de maquillage en cadeau alors que l’on a à peine dix ans ?

La polémique autour de Mignonnes de Maïmouna Doucouré

C’est toute cette hypersexualisation des jeunes filles que tente de dénoncer la réalisatrice française Maïmouna Doucouré dans son premier long-métrage « Mignonnes », sorti en salles le 19 août dernier. En suivant Amy, 11 ans , la réalisatrice française touche au plus juste. Timide, elle s’intègre dans une bande de jeunes filles, les « Mignonnes », qui prépare un concours de danse. Mais leurs mouvements sont lascifs et leurs mimiques deviennent dérangeantes. Entre polémique stérile due à l’incompréhension du message passé et à la bourde de Netflix quant au choix de l’affiche pour la version américaine, le film ne plaît pas à tout le monde. En effet, la fameuse plateforme de streaming a choisi une image où l’on voit les quatre filles de 11 ans, lourdement maquillées, dans des poses très suggestives, regard frontal et mini-shorts. Cela déclenche la polémique Outre-Atlantique et les pétitions pour retirer ce film, qui fait apparemment l’apologie de la pédopornographie, pleuvent. Primé au festival Sundance, Mignonnes a du mal à faire comprendre qu’il décortique justement les mécanismes d’hypersexualisation des jeunes filles dans nos sociétés occidentales. Ces corps presque enfantins qui se transforment deviennent le reflet de ce qu’elles voient au quotidien. Les outils que les Mignonnes ont à leur disposition pour se construire dans l’adolescence, voilà ce que questionne la réalisatrice. Et le tour de Maïmouna Doucouré c’est de réussir à montrer ces jeunes filles qui veulent grandir trop vite, sans l’omniprésence du regard masculin.

Hypersexualisation féminine et « male gaze »

Ainsi, du matin au soir, on côtoie le corps sexualisé des femmes. Des panneaux publicitaires placardés dans le métro pour une marque de parfum, aux publicités qui entrecoupent le film de 20h, en passant par son feed instagram qui regorge de fesses bombées et de poses suggestives, le corps féminin devient objet d’utilité publicitaire. Il devient objet de fantasme aux yeux des hommes, il est pensé comme tel en tout cas. C’est ce que l’on appelle le « male gaze » ou « regard masculin ».  Le concept, théorisé par la critique de cinéma Laura Mulvey, en 1975 explique comment les images, que ce soit dans le cinéma ou plus largement dans la culture, sont façonnées pour plaire à un spectateur pensé comme étant un homme, hétérosexuel, blanc. Le public féminin ne peut que s’identifier au spectateur masculin actif, les femmes dans les images endossant alors le rôle passif d’être regardées. C’est notamment le critique d’art John Berger qui dit que : 

«  Être homme c’est agir, être femme c’est paraître. Les hommes regardent les femmes alors que les femmes s’observent en train d’être regardées ».  

Ainsi, nul doute que le corps féminin est sexualisé, érotisé à tout va. Instagram censure les tétons féminins, mais laisse vagabonder dans nos feeds ceux qui sont masculins. La gendarmerie de Sainte-Marie-la-Mer elle, a fait encore plus fort le 20 août dernier, allant jusqu’à censurer ces tétons que l’on ne sauraient voir, directement sur la plage. La raison de leur déplacement ? L’appel d’ une famille dont les deux enfants auraient été choqués de voir des femmes topless sur la plage.

Dans une société où les seins sont vus comme une provocation sexuelle, plus qu’un moyen pour nourrir les nourrissons, usage premier rappelons-le, on se dit que le corps vu comme féminin ne peut jamais être dans les clous. Trop habillé, pas assez, trop maquillé, pas assez, trop grand, trop gros, trop maigre, trop petit ; le corps des femmes ne sera jamais libre du regard des autres, des critiques des autres surtout.